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Kombouaré : «Rivaliser avec les meilleurs»
Nous publions l'intégralité de l'entretien qu'Antoine Kombouaré a accordé à L'Equipe pour son édition de vendredi. L'entraîneur du PSG est convaincu que son club peut rivaliser avec des équipes du niveau de Lyon, son adversaire dimanche (21h00).
Une heure avant de plaider la cause de Stéphane Sessegnon devant la commission de discipline de la Ligue, dans le 16e arrondissement parisien, Antoine Kombouaré se présente, soucieux du sort qui sera réservé à son joueur, à l'hôtel Bristol, à quelques encablures du siège de la LFP. L'entraîneur du PSG a accepté de revenir sur le début de saison de son équipe, ses bonnes surprises et ses espoirs. Pour lui, Paris doit viser le top 5 de la L1.
« Comment gérez-vous aujourd'hui le caractère de Stéphane Sessegnon ?
Je parle beaucoup avec lui. J'essaie de le responsabiliser encore plus. Aujourd'hui, il a un rôle de cadre, de leader. Mais un leader de jeu doit aussi être un leader dans son comportement. Avec lui, je joue sur la fibre affective. Je lui rappelle qu'il est le père de quatre enfants et que ça doit l'inciter à se montrer exemplaire.
Son mauvais geste sur Adriano, à Monaco, s'explique-t-il par une nervosité liée à sa prestation moyenne ?
Je ne suis pas d'accord. Au contraire. Juste avant son expulsion, il était certes un peu en difficulté. Mais c'est sans doute l'avantage au score de Monaco qui a pu l'énerver. Ce n'est pas une excuse. Il n'avait pas le droit d'avoir cette réaction, d'autant qu'on a un effectif limité et que, lorsqu'un joueur important est ainsi expulsé, on met ses copains dans la merde. Il m'a promis de faire de gros efforts pour changer. Dans son jeu, aujourd'hui, il est à 60-70%, il en a encore sous la semelle. Mon travail, c'est que son talent soit au service d'un collectif. Alors, oui, quand il joue plus simple, on dit qu'il fait moins la différence. Mais ce n'est pas grave. Moi, je veux qu'il s'inscrive dans un collectif, qu'il lâche le ballon au bon moment, vers le bon partenaire. A côté de ça, il fera toujours des différences individuelles dans des un contre un. Il doit juste alterner les deux options. Ensuite, les stats viendront d'elles-mêmes.
Comment l'aider à mieux se canaliser ?
En lui répétant que, quand on entre sur un terrain, ça ne se passe pas toujours comme on le souhaite. Il faut alors prendre sur soi. Moi, par exemple, après un match comme Monaco, je peux avoir envie de mettre des claques à tout le monde. Mais je prends sur moi et je ferme ma gueule.
« A Montpellier (1-1), ma seule envie était d'envoyer le paper-board dans la gueule des mecs.»
Avez-vous le sentiment de mieux garder votre sang-froid qu'à Valenciennes ?
Quand je parle de Stéphane, je sais de quoi je parle... (Il sourit) Je travaille pour rester calme, mais c'est très compliqué. Plusieurs fois, j'ai eu envie de péter un boulon. A Montpellier (1-1), par exemple, j'avais tellement les nerfs qu'en entrant dans le vestiaire, ma seule envie était d'envoyer le paper-board dans la gueule des mecs. Mais je ne l'ai pas fait... Pour progresser, j'ai promis à mes enfants de mieux me tenir. Je sais qu'ils ont de la peine quand je déborde.
Comment jugez-vous le début de saison du PSG ?
Avant la saison, on espère toujours que ça va bien se passer. Mais, avant Monaco, après quatre journées, je ne pensais pas qu'on serait si haut. Surtout que le début de saison est souvent conditionné par la fin de la saison précédente. Or, ici, elle avait été difficile et le groupe avait peu évolué. Avec nos premiers résultats, on se sait plus attendu.
La défaite à Monaco vous inquiète-t-elle ?
Non, pas plus que ça. Ce qui m'avait inquiété, c'était Montpellier. Après ce match, je me suis dit : « Faire un tel match après cinq semaines de travail... » J'étais déçu par la manière. A Monaco, seul le résultat m'a énormément contrarié. Mais on a joué pour gagner, et c'est essentiel. Pendant la semaine, je donne les outils aux joueurs pour gérer tous les types de situations. Un joueur ne peut pas venir me voir en me disant qu'il ne savait pas quoi faire dans telle ou telle circonstance. Attaques placées, défense haute, défense basse... On travaille tout.
Que vous voulez-vous améliorer en priorité dans votre équipe ?
Défensivement, déjà, il faut progresser. Être plus costaud. En fin de première période, à Monaco, on a flotté pendant quinze minutes. On doit concéder moins d'occasions à l'adversaire. Ceara a beaucoup progressé défensivement. Sylvain (Armand), je me bagarre avec lui pour qu'il soit plus défenseur. Mais je le comprends : la saison dernière, Jérôme (Rothen) percutait moins et il devait monter le soutenir. Avec Sessegnon, qui défend moins que Rothen, Armand doit défendre plus et s'adapter à son style. Dans l'axe, aussi, je veux que les défenseurs soient avant tout des défenseurs, qu'ils fassent mal, qu'ils fassent peur. Quand je jouais, je me souviens à quel point c'était un rapport de force avec l'attaquant adverse.
« De toute façon, je ne peux pas travailler avec un joueur si je ne l'aime pas. »
Regrettez-vous de ne pas avoir recruté un défenseur central cet été ?
Avec les quatre que j'ai, non (Sakho, Traoré, Camara, Bourillon). On n'avait pas imaginé la blessure de Camara, c'est vrai, mais je devais composer avec les moyens du club. Mais je n'allais pas me plaindre, j'ai horreur des gens qui pleurent. C'est comme après la défaite à Monaco, j'ai dit aux joueurs : « Faites une bonne analyse et tournez-vous vers Lyon. Dimanche, on va gagner. » C'est ma façon de voir. Mon boulot n'est pas demander du renfort mais d'exploiter au maximum le groupe que j'ai, sachant que le collectif comme les individualités peuvent encore largement s'améliorer. On doit aller plus haut.
N'y a-t-il pas le risque d'une Erding-dépendance ?
Non. Tout le monde me disait que ce serait très compliqué sans Guillaume (Hoarau). Or, on a vu qu'on pouvait gagner sans lui. Il faut faire la même chose sans Sessegnon. Giuly et Luyindula doivent marquer des buts, même Clément, même Makelele. Et les défenseurs, aussi, doivent le faire sur les coups de pied arrêtés.
Avez-eu des bonnes surprises en ce début de saison ?
Ludo (Giuly) en est une. Il arrive à enchaîner les matches, il répète les efforts et, surtout, il est efficace. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas travaillé comme ça. Peguy (Luyindula), aussi, est une satisfaction. Lui, il a besoin d'être bien dans sa tête. Il fallait établir un rapport de confiance avec lui. De toute façon, je ne peux pas travailler avec un joueur si je ne l'aime pas. Je peux pousser des coups de gueule, mais pas de clash, pas de polémique. Je n'entretiendrai jamais de tensions avec un joueur. Quand un joueur me déçoit, et inversement, on discute autour d'une table, puis on se remet au travail. Et si un mec n'est vraiment pas content en fin de saison, il peut partir. Je le lui dis toujours de façon directe. Pas besoin de passer par son agent.
Sur quel aspect aimeriez-vous progresser en tant qu'entraîneur ?
Sur le plan tactique. Faire encore plus la différence sur mes choix ou mes changements en cours de match. On ne sait qu'à la fin si on a fait des bons choix.
Le relatif manque d'épaisseur de votre banc vous préoccupe-t-il ?
J'ai des très bons jeunes. Si demain j'ai un souci, c'est vrai, je ne sais pas ce que les jeunes vont me donner. Mais on a la chance de pouvoir compter sur eux. Et ils apprennent lors des entraînements.
« On est capable de rivaliser avec les meilleurs. Après, regardez Lyon sans Lisandro...»
Ces jeunes, vous les aviez vu débuter à Valenciennes, il y a deux ans...
Oui, je me souviens de Younousse (Sankharé), de Granddi (Ngoyi). Il y a encore du boulot, mais ce ne sont déjà plus les mêmes joueurs qu'à Valenciennes. Ils ont fait du chemin. Ngoyi, je me suis battu pour le faire prolonger récemment. C'est un joueur très intéressant dans l'impact et dans l'utilisation du ballon. Leur souci, c'est qu'ils ont devant eux Clément et Makelele, qui sont en forme. En plus, l'expérience, c'est fondamental pour une équipe. On l'a vu avec le Milan cette semaine.
Sankharé est-il assez solide pour faire un match de L1 ?
Si je l'ai gardé avec moi, c'est que je n'ai pas de doute. Après, lui va-t-il répondre présent ? C'est la question. Ce qui est sûr, c'est que mon groupe est composé des joueurs que je voulais. Au niveau des qualités, des potentiels, je ne m'inquiète pas.
Vous disiez en début de saison que quatre, cinq matches seraient nécessaires pour évaluer le niveau de votre équipe. Aujourd'hui, que vaut-elle ?
Elle a la valeur d'une équipe qui vaut dans les cinq premiers. Minimum.
Ce PSG peut-il rivaliser avec Lyon, votre adversaire dimanche ? On a le sentiment qu'un écart sépare encore votre équipe des trois plus grosses de L1.
C'est votre analyse. Bien sûr, qu'on a des absences de marque pour affronter Lyon. Pour rivaliser sur la durée, il faut que Mev (Erding) soit là, que Stéphane (Sessegnon) soit là. Mais avec ce groupe-là, vu ce qu'il a montré et la marge qu'il a, on est capable de rivaliser avec les meilleurs. Après, regardez Lyon sans Lisandro Lopez, sur ce début de saison, j'ai l'impression que ce n'est pas la même équipe non plus.
Après les départs de Rothen et de Kezman, avez-vous été tenté d'acheter un joueur supplémentaire ? Était-il trop tard ?
Oui, il était trop tard. Et oui, j'ai été tenté. Bien sûr. Le souci, c'est que plus on attend pour recruter, plus c'est difficile. On souhaitait un joueur à vocation offensive, polyvalent, mais c'était compliqué.
« Quand on a le ballon, je ne veux pas que Sessègnon morde la ligne».
Sessegnon aimerait jouer derrière deux attaquants. Avez-vous pensé à modifier votre système actuel, avec deux milieux excentrés, pour passer à un milieu à losange, pour satisfaire ses désirs ?
Pour moi, le 4-4-2 est le schéma qui correspond à la meilleure occupation du terrain face à n'importe quel système. J'aurais toujours quatre défenseurs à plat. Après, les quatre du milieu peuvent évoluer. On peut jouer avec deux excentrés ou alors passer en 4-3-3. Stéphane, sur le plan défensif, je lui demande de bien défendre sur le latéral droit. Mais quand on a le ballon, je ne veux pas qu'il morde la ligne. Il peut entrer à l'intérieur, il est assez libre, il peut jouer comme un numéro 10.
Que manque-t-il à Paris pour intégrer durablement un top quatre des clubs français ?
D'abord, on doit éviter de reproduire les erreurs de Monaco. On peut prendre des buts sur un exploit individuel ou sur une action préparée, mais en encaisser sur un manque de concentration, un trois contre deux mal négocié ou un oubli, ce n'est pas possible quand on est une grande équipe. Après, il faut être capable de jouer pour la gagne. Ce ne sont pas que des mots. Bon, contre Lyon, Bordeaux ou Marseille, ça peut être plus difficile. Mais contre les autres adversaires, on doit entrer sur le terrain pour imposer notre jeu, pour se créer des occasions. On doit avoir minimum cinq, six occasions par match. C'est pour ça que quand je vois la rencontre à Montpellier, ça me fout la rage parce qu'on ne s'en est quasiment pas créées.
« Oui, j'ai des craintes concernant les sanctions qui vont nous tomber dessus.»
A Monaco, le match a été perturbé par les supporters parisiens. Du coup, se profile la menace de pertes de points. Avez-vous des craintes ?
Oui, j'ai des craintes concernant les sanctions qui vont nous tomber dessus. Après, sur les quarante mille supporters qui nous encouragent, ils sont peut-être vingt à poser des problèmes. Ceux-là ne sont pas des supporters. Nous, on fait tout pour gagner les matches et on a besoin des supporters pour nous faire gagner. Contre Le Mans (3-1), quand on a été mené au score, ils ont été hyper présents. Si on a eu le mental de revenir, c'est grâce à eux. Ils ont besoin de voir le PSG gagner. Mais eux ne doivent pas nous faire perdre des points en agissant ainsi, c'est interdit. Impossible. Pas concevable. On doit marcher main dans la main. On n'est pas supporter quand on fait enlever des points à son équipe. A eux, aussi, de faire la police dans leurs rangs.
De par votre stature d'ancien du club, êtes-vous tenté d'allez dialoguer avec eux ?
S'il le faut, je le ferai. Mais mon premier rôle, c'est de faire en sorte que l'équipe gagne.
Comment se passent vos rapports avec Robin Leproux et Sébastien Bazin ?
Sébastien Bazin a passé le relais et c'est surtout avec le président, Robin Leproux, que j'ai des rapports. C'est quelqu'un qui observe beaucoup, fait une bonne analyse et me laisse travailler. C'est bien.
Pensez-vous faire venir un joker d'ici au 31 décembre ?
Non. Mon intention, c'est d'aller jusqu'au mercato de janvier en obtenant les meilleurs résultats possibles avec cette équipe-là. Avec le président, on pourra alors aller taper à la porte de l'actionnaire pour lui dire : ??Voilà, si on veut aller au bout de notre objectif, ce serait bien de se renforcer.'' »
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