Citation
Les Français débarquent en Angleterre
Avec l'arrivée mardi du Marseillais Loïc Rémy aux Queens Park Rangers, ils sont trente à avoir traversé la Manche.
Avec des comptes dans le rouge, les clubs français ont du mal à retenir leurs meilleurs éléments. La Premier League anglaise, qui jouit d'une puissance financière incomparable, en profite à plein. Depuis cet été, 14 joueurs évoluant en Ligue 1, français ou non, ont ainsi traversé la Manche. Dont les internationaux français Hugo Lloris, Olivier Giroud, Mathieu Debuchy, mais aussi le Belge Eden Hazard, l'Espagnol Cesar Azpilicueta ou le Camerounais Stéphane M'Bia. Au total, les clubs français ont récolté 100 M€ de la part des clubs anglais.
À l'heure où les déficits des clubs hexagonaux se creusent - le résultat net du football pro présentait, au 30 juin dernier, un déficit cumulé de 107 M€ contre 65 M€ la saison précédente -, le phénomène pourrait encore s'accentuer. La mission parlementaire auditionnait d'ailleurs mercredi à l'Assemblée nationale le président de l'UEFA Michel Platini sur «le fair-play financier», révélant en creux cette préoccupation.
Dans ces conditions, et à l'exception du PSG qui évolue sur une autre planète financière depuis son rachat par QSI, les clubs français s'infligent une cure d'austérité, quitte à perdre en compétitivité. «Dans un contexte économique dégradé, les clubs n'ont pas d'autres solutions que de procéder à des ajustements sur leur masse salariale», explique au Figaro Philippe Diallo. Le directeur général du syndicat des clubs pros (UCPF) précise : «Nos ressources baissent et nos charges augmentent. Le mercato hivernal est donc dans la continuité de ce que l'on a pu observer cet été.»
Salaires mirobolants
Une aubaine pour les pensionnaires de Premier League, qui ont su enclencher un cercle économique vertueux. Adossés à des revenus colossaux (en passe d'atteindre les 3 mds€ cumulés par saison contre environ 1 md€ pour la Ligue 1), les clubs anglais peuvent s'acquitter d'indemnités de transfert conséquentes et assurer des salaires mirobolants aux joueurs. Après le Lillois Mathieu Debuchy début janvier, le Marseillais Loïc Rémy a, à son tour, traversé le Channel pour rejoindre le club londonien des Queens Park Rangers, pourtant lanterne rouge. L'OM va empocher 10,50 M€ pour la vente de son attaquant international qui, lui, devrait percevoir 390 000 € par mois. QPR qui a également mis 12 M€ sur la table pour tenter d'attirer le Rennais Yann M'Vila…
Ce pouvoir d'attraction par l'absurde s'explique d'abord par la puissance commerciale des clubs de Premier League, qui peuvent s'appuyer sur des recettes au stade et de sponsoring plus de quatre fois supérieures à celles de la Ligue 1 et, surtout, sur des droits TV toujours plus élevés. Pour le cycle 2013-2016, ils seront portés, en cumulé, à 3,80 mds€ au niveau domestique. Et à plus de 2 mds€ sur le plan international. À titre de comparaison, sur la période 2012-2016, la L1 doit se contenter de 2,40 mds€ au niveau national et moins de 40 M€ annuels à l'international.
Ce déficit concurrentiel est accentué par le poids des charges en France. Publiée en mars 2012, une étude UCPF-Eversheds établit un comparatif sur le coût du travail en Europe. Pour un salaire annuel brut de 1,80 M€, un club français doit débourser 500.000 euros de plus en charges patronales. Soit 11% de plus qu'un club anglais (et 21% de plus que les clubs italiens, espagnols et allemands).
Depuis la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe de 75% sur les hauts revenus, la question fiscale ne pèse plus sur la pérennité des clubs français, même si un différentiel défavorable existe toujours avec leurs homologues européens. Ainsi, pour ce même salaire annuel de 1,80 M€, un joueur évoluant en France percevra un net de 710.000 euros contre 886.000 euros pour un joueur évoluant en Angleterre, soit 25% de plus (comme en Allemagne ou en Espagne, et même 35% de plus en Italie). Tous ces désavantages concurrentiels expliquent l'exode des joueurs français en Angleterre qui, en plus, séduit par son jeu et son ambiance.
Figaro.fr