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La multiplication des différents médias, que ce soit avec l’arrivée de nouvelles chaines TV du câble, de web radios, ou l’accroissement des blogs, favorise une grande diversité de l’information aux supporters de foot mais les contraint aussi à être toujours plus vigilants face à la pertinence des analyses ou informations dont ils se nourrissent par amour pour leurs clubs. La Rédaction de Panenka Magazine a rencontré Didier Roustan (L’Equipe 21- Roustan TV), Daniel Riolo (RMC), Alexandre Ruiz (beIN Sports) et Chérif Ghemmour (So Foot-RMC) pour évoquer le thème de la qualité de l’information à proposer aux supporters, la position passionnée des amateurs de foot face à l’objectivité d’une analyse de journaliste ou encore le thème de la course effrénée à l’information sensationnaliste. Ils se nourrissent de leur expérience au sein de leurs médias respectifs et de leur parcours pour analyser l’étroite relation entre le supporter et l’information. Nous leurs avons posé les cinq mêmes questions, pour mettre en perspective leur propre conception du métier de journaliste. Entretien avec quatre journalistes passionnants.
Certains supporters de foot se plaignent des médias qui présenteraient une information trop recentrée sur certains clubs. La réalité est telle que les audiences sont boostées lorsque les médias, que ce soit presse écrite, radio ou TV, parlent de clubs comme le PSG, l’OM, ou dans une moindre mesure Lyon ou Saint Etienne. Le souci d’une « parité » dans le traitement de l’info est une réalité au sein de votre rédaction?
Daniel Riolo : Il n’y a même pas de débat en fait. Les revendications de ces supporters ne sont en aucun cas recevables. On ne va pas demander au JT de 20h de parler davantage du Conseil Général du Sud-Ouest que de ce qu’il se passe à l’Elysée. Ce que disent les supporters est globalement difficilement recevable puisqu’ils sont complétement aveuglés par la vision que l’on va avoir de leur club. Je n’en peux plus d’entendre « Arrêtez de parler de mon club, vous ne savez pas! ». Cela va de pire en pire car les supporters sont subjectifs et exigent de l’objectivité. Et lorsqu’on leur donne une vision objective ils la rejettent. En ce sens, on ne peut pas rester à attendre de savoir ce que veulent les supporters. Et s’ils ne sont pas contents, ils ont simplement à tourner le bouton. A chaque fois que l’on a consacré des émissions à des clubs moins populaires, soit nous n’avons pas un appel, soit cela n’intéresse pas! Et si l’on parle des problèmes, ils nous insultent car on ne doit pas en parler. Et lorsque l’on interview certains des entraineurs, ils nous disent rien. Dans le fond, c’est qu’ils s’en fichent que l’on parle d’eux.
Alexandre Ruiz : C’est une bonne question. Nous sommes d’accord sur le fait que les gros clubs ont une capacité d’attraction différente en fonction des clubs. Il est logique que la presse, qu’elle soit TV, Radio, Presse, Net, soit attentive aux clubs qui tractent plus de monde. Je prends l’exemple du Real ou du Barça en Espagne, il est évident que vous allez toucher plus de monde avec une Une de presse consacrée à l’un de ses deux clubs. En Espagne, lorsque vous sortez du ventre de votre maman, vous êtes soit du Real, soit du Barça. C’est incroyable mais c’est comme ça. C’est donc logique que le pouvoir d’attraction de ses clubs soit relayé par les médias pour en dédier leur Une. Je pense que cette réflexion se pose tous les jours sans pour autant omettre les autres. En ce qui me concerne, beIn Sports est partenaire avec la Ligue Professionnelle et nous ne pouvons pas omettre les autres tranches de la population. Après, qu’il y ait une hiérarchie dans l’importance, dans l’impact et dans le choix au quotidien, oui c’est bien réel.
Didier Roustan: Je pense qu’il s’agit, quel que soit le métier, d’être le plus honnête possible. A mon niveau je parle des choses sans me dire « Ah c’est le PSG ou l’OM, ça va plaire et La Roche sur Yon ou Amiens un peu moins ». L’OM, parce qu’il se passe toujours quelque chose là-bas et le PSG pour les mêmes raisons, sont deux clubs qui provoquent beaucoup de débats et d’articles. Par exemple, Sur Roustan TV, quatre vidéos d’affilée concernent Marcelo Bielsa soit à 100%, soit à 30 %. Ici, ce n’est pas une volonté particulière de parler de l’OM mais c’est un entraîneur atypique et dans un tel contexte, forcément ça déménage. Maintenant, peut-être que les médias de presse écrite favoriseront une couverture à une autre, estimant qu’elle entraine un potentiel lecteur largement supérieur. Il est évident que tu vas vendre toujours plus avec du Ronaldo qu’avec du Mikado, c’est une réalité économique implacable.
Chérif Ghemmour: Pour le Magazine So Foot, s’il y a un joueur qui évolue dans un club « secondaire », on va le faire quand même. Un Bosetti à Nice ou un Balmont à Lille, c’est intéressant. On parle déjà pas mal des gros clubs français dans tous les medias donc cela ne nous intéresse pas trop. Tu n’as qu’à voir ! (Il prend le journal L’Equipe). En page 2, ça parle du PSG et de Monaco. Ce sont des clubs qui font vendre, c’est une réalité. En ce qui concerne la presse écrite en général il y a quand même des initiatives intéressantes : L’Equipe Magazine a suivi Nice ou Lorient pendant toute une saison. On s’aperçoit à travers des exemples comme ceux-là que la tendance à se focaliser en grande majorité sur les grands clubs n’est pas si omniprésente que ça. L’émission « Canal Football Club », sur Canal+, n’hésite pas, lui aussi, à inviter des joueurs de clubs dits « secondaires ». Après, comme je le dis des fois, il faut aussi briller pour que l’on parle de ton club.
Le journaliste foot doit-il, selon vous, fournir au spectateur un parti-pris à la manière d’un éditorialiste, ou livrer une info plus atténuée pour laisser au spectateur le soin de se fabriquer lui-même sa propre opinion? On sait que le relais entre le journaliste et le supporter est par moment difficile sachant que le supporter est plus dans la passion que dans la raison…
Daniel Riolo : Nous n’avons pas à donner une information nuancée si elle n’a pas lieu de l’être. Il n’est pas concevable de la nuancer simplement en pensant que cela ne va pas plaire à untel ou untel. Le meilleur moyen de respecter l’auditeur, c’est de lui dire les choses clairement, sans mentir. Cela ne fait pas partie de ma conception du métier de journaliste de caresser l’auditeur dans le sens du poil juste pour le séduire. L’essence de notre métier est d’informer, pas de faire de la communication.
Alexandre Ruiz : Les deux. J’ai choisi d’amener sur « Le Club du dimanche » l’éditorialiste Claude Askolovitch qui avait, à la base, plus l’habitude de traiter les thèmes de la société ou de la politique, avec une pensée très marquée qui est la sienne. Quand il vient à porter son opinion sur le foot, logiquement, il y a une teinte qui illustre sa pensée. J’aime avoir ce type de touches car cela « éveille » et l’important dans l’éveil est d’avoir une contradiction. Cela accouche de débats et d’échanges. Le journaliste qui organise ces débats doit en revanche conserver cette neutralité même s’il a forcément une sensibilité qui le touche. Ma position dans « Le Club » n’est pas de la donner, par exemple. Le chef d’orchestre se doit, selon moi, de conserver un maximum de neutralité. Avec la prolifération des chaînes, certains pensent qu’il doit aller vers moins de neutralité. Je ne partage pas cet avis, sans dénigrer ceux qui optent pour cette stratégie.
Didier Roustan: Cela a beaucoup évolué. J’ai commencé en 1976 dans un gros média qui est TF1. Les choses étaient différentes, il y avait peu de concurrence et les gens s’intéressaient beaucoup moins au football. Nous étions donc moins tenus d’aller au-delà du résultat. Nous sommes désormais plus dans ce qui se fait depuis longtemps en Amérique latine, en Italie, Espagne avec quatre personnes qui débattent autour d’une table et un mec qui passe un peu les plats. Dans ce genre de débats, nous allons forcément au-delà des faits, et chacun apporte du coup son petit couplet. Après, le danger c’est que cela parte de temps en temps, et même souvent, dans une sorte de Show et si l’on y regarde de plus près on arrive à beaucoup de blabla pour peu de choses réellement intéressantes. Le deuxième danger est que l’on a vite tendance à s’éloigner du jeu, s’éloigner du football, ce sont rapidement les petits à-cotés qui prennent le dessus.
Chérif Ghemmour: Le journaliste doit donner son avis, provoquer des réactions. Ce qui est intéressant dans une émission comme « L’After », sur RMC, c’est que la moitié des personnes qui interviennent à l’antenne sont des supporters. Ainsi, il y’a une interaction entre les supporters et les journalistes. La radio possède l’avantage de permettre à l’auditeur, qui est en règle générale aussi supporter de club, de réagir aux propos des journalistes. Ceci n’est pas trop possible en presse écrite, par exemple. Dans une émission comme le Canal Football Club, les spécialistes déroulent mais n’ont pas vraiment de contradicteurs venant du public ou qui appellent. C’est un peu en circuit fermé. D’un autre côté, c’est peut-être plus difficile de prendre des spectateurs dans le cadre d’une émission de TV.
Certains médias accordent de plus en plus d’importance à une information sensationnaliste (ex: Rihanna rachète un club de foot). Le rôle d’un média de foot est-il selon vous d’élever l’esprit critique du supporter ou d’adapter une information plus élargie au spectateur pour privilégier une plus grande audience?
Daniel Riolo : J’ai tendance à penser que l’on doit tirer vers le haut l’esprit critique du spectateur. Il y a peut-être une tendance dans les médias de tirer vers le bas dans le but de séduire un plus grand nombre. C’est vrai que le sensationnalisme existe. Si je trouve que ce genre d’info est intéressante par rapport au débat foot je dis pourquoi pas, en le prenant en rigolant. Mine de rien, cette tendance s’explique par le fait que le public est friand de ça. Le Magazine Closer rassemble 4 millions de lecteurs chaque semaine, 60 % des gens pensent que le livre de Valérie Trierweiler n’aurait pas dû voir le jour et il y a déjà près de 250 000 exemplaires vendus. Mais c’est quoi dans le fond du sensationnalisme? Est-ce que c’est dire « untel est un cador mondial après deux bons matchs » ou de dire » tel joueur est maqué avec Shakira » ? Je trouve que la première solution est plus grossière car beaucoup de gens tombent tous les ans dans le panneau.
Alexandre Ruiz : Selon moi c’est un mélange des deux. On ne peut pas faire que l’un ou que l’autre. L’essence même de notre métier est de relayer une information. Lorsque vous êtes envoyé spécial sur un lieu, vous êtes les yeux, les oreilles, le nez, tous vos sens sont actifs pour relayer une information à quelqu’un qui n’est pas sur place. Ceci est la première mission. La deuxième mission est, en fonction de notre bagage et du travail effectué, d’apporter un complément à ces faits. Le troisième aspect, qui est d’après moi plus présent dans la télévision, est que ce tout doit être enrobé d’une notion un peu spectaculaire pour faire passer un bon moment. C’est propre à la télé et un peu plus au sport, selon moi. Cela me rappelle les bases de notre métier que certains oublient : D-I-D, décrire- informer- divertir. Ces trois évènements vont ensemble et fonctionnent seulement dans cet ordre chronologique. Qu’il y’ait une conjugaison et un mélange de tout ça pour allumer une lumière et une réflexion dans la mentalité de chacun et ainsi cultiver l’individu, c’est une part importante de notre métier en plus du divertissement. Pour exemple, on fait dans « Le club du Dimanche » un sujet sur l’état du football en Ukraine, thème qui est fait pour éveiller une sensibilité et non pas de parler des dernières voitures achetées par tels ou tels clubs. Sans cet équilibre, je pense qu’on faillit à notre mission de journaliste.
Didier Roustan: C’est ce que je disais précédemment, on va plus parler du lancement des sous-vêtements de Ronaldo que de son jeu. Cependant, et je le vois à travers les réseaux sociaux ou directement parfois avec les afficionados, les gens sont plus « éveillés » qu’autrefois à tout ce qui touche le football, ils ont parfois même pour certains une culture footballistique supérieure à certains journalistes dits spécialisés. Avec l’arrivée de certaines chaines, pré-portées sur le foot, et d’autres plus grand public comme TF1, il y a peut-être un équilibre à trouver nous dirons certains mais je trouve que c’est un faux problème car j’ai proposé pendant plus de treize ans sur TF1 des sujets très techniques et cela plaisait beaucoup. Il faut juste parfois se mettre à leur portée, car le football par bien des domaines c’est la vie, et surtout le respecter et ne pas le prendre pour une pomme ou un demeuré. C’est à vous aussi de leur permettre de posséder cette culture en la transmettant. Je sais que tous les reportages que j’ai pu faire, et dieu sait s’il y en a eu, sur d’autres pays, d’autres continents, y ont modestement contribué.
Le grand public ne demande qu’à apprendre et partager mais c’est sûr que pour ce genre de choses il faut se « lever le cul », être passionné, généreux aussi je pense, car il est bien plus facile de rester tranquillement assis dans une émission sur une chaise au lieu de voyager et ensuite revenir avec x cassettes et s’enfermer dans une salle de montage. Ça, c’est pour moi de la vraie télé mais aujourd’hui on préfère faire dans la facilité et, au lieu de travailler dans l’ombre, passer son temps à montrer sa gueule et à assener des pseudos vérités.
Il est vrai que par rapport à mes débuts, le supporter de foot est mieux informé mais cela ne l’empêche pas pour autant de se faire berner par des journalistes qui prétendent connaitre le truc et sont surtout habiles pour donner l’illusion de parfaitement le maitriser. Les émissions qui se veulent pointues ne doivent pas être du blabla pour du blala avec des auditeurs ou téléspectateurs qui perdraient leur sensibilité et recracheraient comme des robots ce qu’on leur dit. J’entends des gens pensant que tels ou tels journaliste ou consultant est un connaisseur mais moi je sais, que pour certains en tout cas, ils ne connaissent pas grand-chose et se contentent du minimum. C’est facile de donner l’illusion, il suffit de connaitre un petit peu évidemment, de faire preuve de bon sens, de lire la presse ici et là, vous mixez le tout, vous mettez de la conviction dans ce que vous dîtes et le tour est joué. À l’arrivée, ce que vous crachez dans le micro ne sera pas forcément faux mais juste des évidences attachées à d’autres évidences, bref, le débat n’avance pas mais il y a eu du blabla et les gens pour beaucoup manifestement s’en contentent. Maintenant, si les gens aiment la bouillie, bin filons-leur de la bouillie !
Chérif Ghemmour: Le sensationnalisme est nécessaire. Il peut être pertinent si c’est un angle d’attaque qui va te permettre ensuite de développer du fond. C’est de bonne guerre. Quand je travaille pour le site internet de So Foot, je tente toujours des titres très provocateurs. Mais, bon… Selon moi, cette tendance au sensationnalisme ou au people est révélatrice d’une culture foot qui se développe en France. On ne peut pas reprocher aux médias français de faire du sensationnalisme alors que tous les pays le font. Quand tu vois que tu as une information sur la vie en dehors du foot de tel ou tel joueur, tu peux penser que l’information est inutile mais c’est aussi significatif d’une culture foot qui s’installe dans un pays. Des joueurs deviennent connus du grand public grâce à cela. De tels procédés sont à double tranchant : quand on aime on aime très fort mais quand on n’aime pas, on décapite ! Le sensationnalisme est omniprésent dans des pays comme l’Angleterre mais il peut figurer malgré tout dans une presse très classe.
Est-ce qu’un supporter de foot qui est devant son média de prédilection n’est pas davantage, dans le fond, dans l’attente de la belle histoire plutôt que d’entendre la réalité de son club ou de sa sélection. Les qualités des joueurs sont parfois gonflées par l’enthousiasme de l’instant du commentateur qui peut présenter le nouveau Messi, le nouveau Barça etc… Ces facteurs ne sont-ils pas en un sens un parasite à la réalité d’une information?
Daniel Riolo : Cela ne me parasite pas car je ne raconte pas ce genre d’informations. Je ne fais pas en fonction de ce que pensent les gens, je n’ai pas de boule de cristal. Le journaliste est leader d’opinion et essaye de dire ce qu’il estime être sa vérité. Après tant mieux s’ils adhèrent et tant pis si ce n’est pas le cas! Le cas des médias TV est différent puisque ce sont des diffuseurs et sont là pour vendre un produit ce qui est complètement différent! Les consultants dans les médias TV ont la crédibilité de leur passé s’ils abordent un aspect technique mais ils ne donneront pas leur avis sur le niveau d’untel ou untel puisqu’il est pote avec un joueur qui est pote avec un autre. Ou ils prendront un coup de fil de l’ami de l’agent qui lui dira de ne pas le dire. Notre idée n’est pas d’être incisif dans notre analyse mais le plus juste possible. Quand TF1 dit que la France a fait une Coupe du monde extraordinaire (ils auraient sans doute inventé un dictionnaire entier s’ils avaient gagné la Coupe du monde) nous essayons de notre côté de dire qu’un seul match a été réussi et que les autres ne l’ont pas été pour telle ou telle raison.
Alexandre Ruiz : Selon moi, une personne qui est fan d’un club en connait ses réalités. Il me semble qu’elle préférera entendre de vous souligner une réalité qu’apporter un masque ou un filtra à cela. Certains supporters aiment n’entendre que du positif et, comme dit précédemment, pour eux, la passion vient chevaucher la raison. Il faut considérer le fan qui connaît toutes les réalités de son club. Un fan est aussi très critique vis-à-vis de son club. Quand on lit que tel joueur est le nouveau Messi après trois passements de jambes, vous pouvez dire qu’une telle presse pense que c’est le nouveau Messi, puis il vous suffit de poser la question autour de la table où vos consultants calmeront le jeu avec son âge et son inexpérience pour tempérer tout cela. Je ne pense pas que ce thème-là soit une question qui entraîne à la réflexion quotidienne de notre métier.
Didier Roustan: Le supporter, par essence même, n’a pas le recul général et peut manquer de temps en temps d’objectivité. Mais il ne faut pas généraliser. Car certains arrivent à rester lucides, surtout si vous leur donnez des éléments valables pour le demeurer. Alors, bien sûr, beaucoup s’enthousiasment pour un rien et à la limite pourquoi pas car il est bon de garder une certaine fraîcheur également. Cependant, nous journalistes, nous nous devons de rester le plus honnêtes possible et ne pas dire les choses juste pour plaire ou avec en arrière-pensée un souci d’audience.
Chérif Ghemmour: Les Français connaissent de mieux en mieux le foot. Il est possible de tomber sur des supporters très bornés par moments, OK ! Mais les fans qui parlent sur RMC connaissent plutôt bien le foot et leur club. Tu ne peux pas leur faire à l’envers. Il ne faut pas prendre le public français pour un troupeau d’idiots, ils connaissent le jeu et ses différents aspects. Tu peux à la rigueur embellir sur l’équipe de France car les supporters ne sont pas avec eux au quotidien. Si tu prends l’exemple de Samir Nasri : les gens ne l’aiment pas mais il existe quand même des défenseurs qui estiment qu’il est titulaire à Manchester City et peut apporter à l’équipe de France. Il y a sur le jeu, au-delà du comportement, un respect pour Samir Nasri. Depuis une bonne quinzaine d’années, la maturité du public en France a vraiment augmenté. beIN Sports et Canal + peuvent défendre autant qu’ils veulent la Ligue 1, qui est leur produit d’appel, les gens ne sont pas idiots. Quand ils se tapent un 0-0 entre Rennes et Toulouse un vendredi soir, ils s’aperçoivent d’eux-mêmes du contenu très moyen de ce qu’ils voient. Tu peux aussi survendre tel ou tel entraîneur, telle ou telle équipe, les audiences TV ou les affluences au stade sont le meilleur des baromètres. Des stades comme à Montpellier, Rennes ou Monaco sont aux trois-quarts vides ! A l’instar des slogans que l’on peut trouver dans le commerce, le spectateur qui paye sa place ou achète la presse a toujours raison.
La sempiternelle course au buzz, le multiplication des informations pour doper les audiences et la peur qu’une information nous passe sous le nez (ou que nous soit reproché plus tard de ne pas avoir couvert l’info) n’est-elle pas un parasite à la qualité de l’information en général?
Daniel Riolo : C’est au journaliste de vérifier la source de son information pour faire en sorte de proposer une information fiable, ce n’est pas compliqué! Les parasites sont la proximité que tu vas avoir avec un joueur, l’agent qui va t’embêter car il a un but précis en tête mais c’est au journaliste de faire attention à tout ça. Je note que l’évolution de la culture foot de l’amateur de foot est de mieux en mieux, à part quelques extrémistes qui sont souvent issus de clubs qui ont ramé pendant pas mal de temps en subissant beaucoup de critiques et qui sont beaucoup dans la vengeance. Au-delà de ça, la culture foot progresse et l’esprit critique aussi.
Alexandre Ruiz : Vous prêchez à un convaincu, je ne suis pas du tout dans cette course-là. Je pense que l’on vous reprochera plus d’avoir publié une info non vérifiée que d’avoir sorti une information une heure après un concurrent ou un partenaire. Je pense que le choix est vite fait lorsque vous considérez cela. Bien entendu, les équipes doivent être actives pour être au plus près de l’info et la relayer après vérification, mais de là courir encore et encore pour donner les dernières exclusivités ou je ne sais pas quoi d’autre, il y’a une banalisation qui peut être dangereuse car tout devient exclusif.
Didier Roustan: Cela peut faire du tort en effet. Il y a de plus en plus de concurrence, des informations qui partent de partout. Il faut être toujours plus ou moins le premier. Dans ce contexte cela arrive et il se peut qu’il y ait des dérapages ici et là ou que l’on insiste plus sur l’extra sportif. Je trouve qu’il y a encore d’une manière générale une certaine rigueur par rapport à d’autres pays, le sensationnel en France restant sensiblement dans les clous on va dire.
Chérif Ghemmour: Là encore, cela fait partie intégrante de la culture foot. Cette tendance s’accentue avec l’émergence de médias sur internet. Cela n’est pas forcément nocif. Tout passe par internet maintenant. Dans un réseau social comme Twitter, il y a de très bonnes vannes ! Prenez le cas de Brandao et Thiago Motta : quand un internaute déclare que c’était sa première tête cadrée, c’est une information ! Et il a été plus réactif que le journaliste ! Je trouve en revanche plus inquiétante l’amplification du buzz, qu’il soit positif ou négatif. J’étais très énervé de voir le traitement médiatique de Claude Puel qui était étiqueté en tant qu’entraîneur défensif lors de ses années lyonnaises. Puel n’est pas défensif, c’est n’importe quoi ! Il a été champion de France à Monaco et un bâtisseur à Lille avec un jeu entreprenant et il n’a pas eu toutes les circonstances favorables à Lyon. Tu avais le départ de Tiago, un Juninho sur le déclin, un Benzema qui avait déjà la tête au Real etc…Tu ne peux pas avoir fait tout ce qu’il a fait en étant défensif. Ce cas est l’exemple d’une idée reçue qui s’est amplifiée de façon moutonnière. On peut aussi prendre l’exemple de Yann M’Vila dans sa période rennaise : le joueur était à l’époque simplement bon, par moments très bon. Mais son entraîneur avait déclaré qu’il pourrait jouer devant la défense du Barça, c’est tout juste s’il n’était pas Ballon d’Or. Il faut garder la mesure ! En matière de mesure, là encore, il y a des pays où c’est bien pire ! Tu peux sortir une montagne de joueurs qui étaient annoncés comme de futurs cracks de l’autre côté de la Manche ! Il n’y a qu’à penser à Micah Richards, l’éternel espoir de Manchester City. Cette tendance rappelle que la culture foot se développe dans tous les aspects : le positif, le négatif, le comique ou le grand n’importe quoi…
Propos recueillis par Vivien Couzelas et Lucas Alba
http://www.panenka-mag.fr/quel-type-dinfor...pporters-clubs/