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ARBITRE / GILLES VEISSIERE :« Ce sont des robots friqués »Revolté par la nouvelle vague d’arbitres, Gilles Veissière livre son analyse de la situation avec franchise. L’ancien arbitre international s'est dit content du remplacement des arbitres de L1 par ceux du National.
Ancien arbitre international, Gilles Veissière ne pratique pas la langue de bois lorsqu’il s’agit de commenter la crise qui sévit dans l’arbitrage français. Reconnu pour ses compétences lorsqu’il sifflait encore, Veissière, aujourd’hui adjoint aux Sports à la ville de Nice, estime que le système de l’arbitrage français est mafieux. Il ne s’étonne d’ailleurs pas de son état catastrophique aujourd'hui.
Gilles Veissière, que pensez-vous de la décision de remplacer les arbitres de L1 par ceux du National ?
Aujourd’hui, je suis content de voir qu’il y a un pouvoir fédéral qui met les points sur les « i » et les barres sur les « t » au niveau de gens qui ont été très chouchoutés par le football professionnel depuis de nombreuses saisons. Aujourd’hui, les caprices de stars, ça a ses limites. Je suis très content de voir que le pouvoir fédéral n’accepte pas ce comportement qui est complètement indigne quand on voit les dizaines de milliers d’euros que perçoivent ces gens-là. Je suis très content et je félicite le pouvoir fédéral.
Vous ne soutenez donc pas les arbitres de L1 ?
Les soutenir ? Je voudrais savoir pourquoi il faudrait les soutenir. Ils veulent retarder les matchs de quinze minutes par rapport à quoi ? Ils n’en ont déjà pas assez ? Ils gagnent des dizaines de milliers d’euros. Quand vous voyez que certains arbitres partiront avec 150 000 à 200 000 euros chaque année, je crois que le football professionnel a beaucoup joué dans la configuration de crise. N’oubliez pas qu’ils sont censés êtres venus à l’arbitrage comme moi et mes prédécesseurs. C'est-à-dire par passion et non pas par avidité d’argent prononcée. L’arbitrage, c’est une passion.
Ne pensez-vous pas que la pression qu’ils subissent est beaucoup trop grande ?
Ils ont revendiqué pendant des années le professionnalisme. Et, en contrepartie, je peux en parler parce que, avec les Quiniou, les Sars, les Colombo et les autres, nous étions des gens qui avions une fonction dans le privé et on voulait la garder. L’après arbitrage est quelque chose de compliqué et il n’y avait pas les moyens qu’il y a aujourd’hui dans le football professionnel. Ils ont souhaité le professionnalisme ! Ils l’ont obtenu ! Félicitations. Mais il faut savoir qu’il y a une contrepartie du professionnalisme. Il faut appeler un chat, un chat.
Moi, quand j’ai commencé à arbitrer en première division, je touchais 90 euros pour arbitrer Montpellier-Toulouse. 600 francs donc. A ce prix-là, on peut se permettre peut-être de revendiquer certaines choses. Mais quand on gagne des dizaines de milliers d’euros et quand on a engendré le professionnalisme, vient la pression du professionnalisme. Pourquoi, vous n’avez pas la pression dans votre travail vous ? C’est normal que vous ayez la pression de votre patron. C’est lui qui vous rémunère. Quand on rentre dans l’arène du professionnalisme, la pression et les critiques font partie du jeu mon coco.
« La presse française, vous êtes du sucre, vous êtes du miel »
Ne pensez-vous pas qu’à certains moments les limites sont dépassées ?
Elles sont dépassées par qui ? Par le spectateur qui paie son billet et qui insulte un arbitre ? Ça fait partie du folklore que l’on vit depuis des années. Ils se font insulter par qui ? Par vous les journalistes ? Vous êtes d’une gentillesse… Allez voir en Espagne, lisez Marca, allez voir la presse anglaise, vous allez voir par rapport à vous. La presse française, vous êtes du sucre, vous êtes du miel… Les autres presses sont terribles vis-à-vis des arbitres. Je vous le répète, vous êtes du miel les journalistes français ! Quelle pression ils ont ? Ils n’en ont aucune !
Les enjeux économiques ne sont-ils pas trop gros ?
Quand on épouse le professionnalisme, on prend les avantages et les inconvénients. Tout simplement. Vous savez, si je ne travaillais pas, je serais meilleur. Je m’entraînerais deux fois par jour, je suivrais des cours, je visionnerais des vidéos, je ferais des conférences et je serais meilleur. Le football professionnel a payé. Et les arbitres ne sont pas meilleurs. Mais où ils vont ?
Qu’est-ce que vous préconisez ?
Vous savez, lorsque le football français a engagé Marc Batta et que le premier choix de M.Batta, ça a été de demander à la Fédération Française de Football de ne jamais aller sur un stade en France contrôler les arbitres et les voir : c’est la pire des décisions prises par le football français en faveur de l’arbitrage ! C’est comme si vous engagez un veilleur de nuit et que le type arrête de travailler à 17h00. C’est exactement pareil. Si le patron ne voit jamais son personnel, son équipe sur le terrain, et bien on va à la dérive comme aujourd’hui. Comme il n’y a pas de pilotes dans l’avion, comme le pilote est un homme qui n’a pas de compétences reconnues et bien on est en train de le payer cash.
« Vous vous prenez pour qui messieurs ? »
Pensez-vous que les arbitres du National sauront gérer la situation ?
Il y aura peut-être autant d’erreurs mais elles seront différentes. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que les caprices du bébé arbitrage, le football français ne l’accepte plus. Je suis très content de cette décision. Vous avez été les premiers à décrier les joueurs qui ont fait grève à Knysna, j’étais avec vous et je dis bravo à toute la presse qui a eu le courage de le dire. On va accepter que les arbitres fassent 15 minutes, 20 minutes, 30 minutes de grève ? Mais vous vous prenez pour qui messieurs ? Dans votre statut de salarié, il n’est pas signalé que vous avez un droit de grève. Avec tout ce qu'ils gagnent et à ce prix-là mon grand, il est normal que tu te prennes des engueulades, que tu te fasses un peu bouger.
Comment expliquez-vous cette médiocrité qui sévit dans l’arbitrage français ?
Colombo est parti. Sars est parti. Quiniou est parti. De tous les arbitres qui ont fait les championnats du monde et d’Europe, aucun n’a voulu parler. Ils n’ont pas voulu travailler avec Marc Batta et les magouilles françaises. Tous les grands sifflets et grands drapeaux n’ont pas voulu travailler. Vous ne pensez pas qu’il y a un vrai malaise ? Qu’il y a une vraie mafia ? Posez-vous les vraies questions.
Quand j’ai arrêté, la première chose que je me suis dit, c’est que jamais je ne travaillerai avec des gens qui ne pensent qu’à magouiller. Je ne suis pas venu dans l’arbitrage pour cela. Il n’y a plus de compétences au sein de l’arbitrage français. Qui contrôle aujourd’hui les arbitres pour les faire progresser quand vous n’avez pas un Quiniou qui vient les voir avec trois Coupes du Monde, quand vous n’avez pas un Veissière avec deux Coupes d’Europe et deux Coupes du Monde, quand vous n’avez pas un Sars avec une Coupe du Monde et deux Coupes d’Europe ? Quand vous avez fait fuir la compétence, pourquoi vous voulez progresser monsieur ?
« C’est un comportement mafieux »
Et si on venait vers vous pour faire appel à vos compétences ?
Non, parce que moi j’aimais l’arbitrage humain. Quand je faisais des conneries comme à Bordeaux-Toulouse et bien je le disais. On était humain. On se mettait sur la gueule mais après on se serait la poigne avec les joueurs et avec les entraîneurs. On buvait une bière ensemble. Maintenant on dit que ça a changé. Non, il y a toujours le même football, il y a toujours onze joueurs contre onze, il y a toujours le même public et les mêmes passionnés. Aujourd’hui, ils ont pris des petits robots friqués, bien habillés, le gendre idéal. Regardez, ils nous vendent Lannoy comme le meilleur arbitre. Vous avez vu son match à Milan contre Tottenham ? Le massacre que ça a été. Le tacle de Flamini, le massacre de Gattuso… On voit bien aujourd’hui que c’est de l’édulcoré. Ces mecs-là vont dire au président de la Fédération « je fais ce que je veux » ? Ils ont bien raison de les envoyer où ils le méritent.
Que faut-il donc faire pour sortir de cette crise ?
Virer Marc Batta, virer Layec, qui va être condamné parce qu’il a quand même quelques procès au cul par la justice française. Il faut faire entrer de la compétence mais je ne suis pas candidat. Vous voyez, je suis clair parce que je suis quand même le vilain petit canard qui a une grande gueule. Je vis très bien avec. Quand j’ai des vérités à dire, je les dis. A ce niveau-là, il faut faire un appel à la candidature comme on l’a fait avec le DTN. Mais évitons le bon arrangement entre copains comme on l’a vécu avec les Domenech et consorts. Pour moi, c’est un comportement mafieux. Je ne dis pas que c’est un arbitre qui sera à la tête mais peut-être un footballeur qui aura une approche extraordinaire. Mais jusqu’alors, qui est le patron de l’arbitrage à l’UEFA ? C’est monsieur Pierluigi Collina qui est le meilleur arbitre du monde. Les meilleurs sont en haut. Ils (ndlr : les instances de l'arbitrage français) ont cassé les gens qui avaient des couilles. Ils ont broyé les gens qui avaient un petit peu de niaque, qui étaient capables de leur tenir tête. Aujourd’hui, ça pète et ce n’est pas fini.
Foot365
Il envoit du lourd