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Depuis septembre 2019, Jérôme Rothen est en haut de l’affiche sur RMC à la tête de l’émission “Rothen régale”. L’ancien du joueur du PSG s’est confié pendant une heure à GQ, sans langue de bois, comme d’habitude. Une vraie régalade.
C’est au restaurant de l’hôtel Molitor que Jérôme Rothen nous a rejoint avec une petite dizaine de minutes de retard dues à un problème de batterie électrique sur sa Smart. La suite s’est déroulée sans le moindre accroc. À 41 ans, l’ancien joueur du Paris Saint-Germain et de Monaco, notamment, est désormais consultant pour RMC, à la radio et à la télévision. Jamais la langue dans sa poche, ses sorties font mouche. À tel point que les dirigeants de RMC Sport ont décidé en septembre 2019 de lui confier une émission chaque vendredi de 18h à 20h : « Rothen régale ». Il y est évidemment question de football. Sauf que c’est Jérôme Rothen qui dirige le jeu, ne se contentant plus d’intervenir dans des débats des différents programmes foot de la radio, qui ressemblent, avouons-le, à une discussion au café de comptoir. Après six mois à la tête de son show, l’ancien international (13 sélections entre 2003 et 2007) a trouvé le bon rythme, sachant mener ses troupes tout en leur laissant un large espace d’expression. Du coup, Rothen est un nom qui commence à peser un peu dans le football français, même s’il n’est pas encore dans le Top 30 du classement de L’Équipe de ceux qui font le foot tricolore. Son fait d’armes est pour l’instant d’avoir obtenu une interview de deux heures de Didier Deschamps dans laquelle ce dernier se livrait comme rarement sur le ballon rond. Leur bonne entente lors du passage de Deschamps en tant qu’entraîneur de l’AS Monaco (2011-2005) a pesé lourd au moment de négocier cette interview. Deschamps qui aurait pu lui éviter le seul vrai regret de la carrière de joueur de Jérôme Rothen : “Mon autre regret, et il n’y a pas que moi qui le dit, c’est d’avoir connu Raymond Domenech comme sélectionneur. Il n’était pas fait pour ce poste-là. Si seulement j’avais connu Didier Deschamps en équipe de France… J’avais sa confiance et il m’aurait fait passer un cap. Mais c’est comme ça.” Cette carrière professionnelle longue de 16 ans, nous l’avons évoquée en large et en travers pendant plus d’une heure. Avec le PSG, son club de cœur comme fil rouge, naturellement. Mais aussi son livre polémique, le tennis, les journalistes, le duo Neymar-Mbappé, le rôle de consultant, le choix Barcelone-Chelsea-Juventus-PSG en 2004, les Bleus, l’amour du maillot, Zidane… Le tout abordé sans concession, évidemment.
Alors, comment cela se passe ce “Rothen régale” ? Car je vous avoue que nous étions un peu sceptiques sur votre capacité à assurer dans ce genre d’émission…
Je me sens très bien ! Ça me tenait à cœur d’avoir mon émission. Il fallait que je sois à la hauteur, que je bosse beaucoup. Et là, je me régale, c’est le cas de le dire. Après, je ne pense pas que vous étiez le seul à être sceptique sur moi et mon émission. Et même moi le premier finalement car c’est un autre travail, qui n’a rien à voir avec le métier de consultant que je fais depuis que j’ai arrêté ma carrière : commenter les matches, participer à des débats… La présentation, c’est autre chose. Est-ce que ça allait prendre, plaire… ? Si les boss m’ont donné cette opportunité c’est que eux y croyaient, or ce sont des gens du milieu… Après, j’ai travaillé. J’ai réécouté mes émissions sur trois quatre semaines. Je ne me suis pas trouvé bon au début sur la présentation, la confiance. Je regardais trop les feuilles lors des lancements, il fallait corriger. J’ai travaillé pour ça, j’ai répété à la maison pour être plus à l’aise. Je pense avoir trouvé le rythme depuis deux mois, je suis plus à l’aise dans les interviews. J’ai fait des bons coups aussi, comme avec Didier Deschamps. J’ai eu des bons retours.
À quel point vous vous investissez dans la programmation d’une émission comme celle avec Didier Deschamps ?
C’est un peu spécial avec Didier. D’habitude ça passe par des journalistes qui suivent le club où les joueurs évoluent, ils vendent l’interview. Et moi je la fais. Didier, je lui en avais parlé il y a quelques temps. J’étais directement en relation pour l’avoir. Il ne parle généralement que 30 ou 45 minutes, là c’étaient deux heures. Je le remercie encore car c’était un super coup. Qui le mettait bien en avant aussi. Il le mérite. Là je travaille sur des gros noms, que je garde pour moi. Les joueurs me connaissent aussi, car j’étais joueur. Il faut savoir que les joueurs mettent des barrières avec les journalistes. Même quand ces derniers te disent : « Lui c’est mon pote, t’en fais pas », c’est rare d’avoir un ami journaliste quand tu es joueur de football.
Vous n’en aviez donc pas vous ?
Ami, ami… Tout dépend de l’échelle du mot “ami”. Mais je dirais non, car il y a toujours un intérêt. J’avais des bonnes relations avec beaucoup. Mais tu sais que quand ils te voient, s’ils peuvent te tirer une info, ils le feront. Même quand tu manges en tout bien tout honneur, ils essaient de gratter. C’est leur boulot. Ils ne font pas ça pour nous faire mal. Le problème est que la nouvelle génération se méfie encore plus. Avec les réseaux sociaux, ça va tellement vite. J’ai connu la bascule en tant que joueur, ils mettaient des barrières sur les journalistes. Donc il n’est pas évident pour tout le monde d’avoir des longues interviews de joueur. Ils sont pas mal sollicités.
Vous avez balancé à vos “amis” journalistes de fausses informations pour voir si c’était repris ensuite et donc les piéger ?
Sourire. Franchement, je n’ai pas eu besoin. Tu vois assez vite les personnes de confiance et celles qui sont prêtes à balancer des infos fausses sur toi. Ça m’a parfois fait mal. Car quand tu es dans un club médiatisé comme le Paris Saint-Germain, et que tu es un joueur phare de l’équipe, on essaie d’avoir des infos genre "Comment tu vis ? Que se passe-t-il à l’intérieur du groupe ?" Ça me touchait. L’essentiel, quand j’étais joueur, était de suivre le conseil que m’avaient donné les anciens : “Les journalistes, il faut aussi en profiter, ne met pas forcément des barrières”. J’ai gardé ce fonctionnement tout a long de ma carrière. Le truc est que j’étais bon public. Et j’aimais aller expliquer ce qui allait, ce qui n’allait pas, pourquoi… On me l’a reproché. Mais ce n’est pas grave du moment que tu es bon sur le rectangle vert. Quand tu es moins bon, c’est problématique en revanche… Et avec moi cela a été par moments problématiques ! Mais bon… Donc non je n’ai pas eu besoin de jouer avec les journalistes pour savoir qui voulaient des infos pour faire mal ou des bonnes infos. Les relations que j’avais avec les journalistes, c’étaient des déjeuners et la personne savait que quand on mangeait ensemble, cela ne servait à rien de me faire sortir des choses, d’essayer d’avoir des infos parce que je n’en donnerais pas. Au contraire même. Je ne demanderai pas à un journaliste comment il a eu l’info sur telle ou telle feuille de match, ça ne m’intéresse pas, donc viens pas me demander des infos sur le vestiaire, l’entraîneur… Et si tu me demandes, je ne vais pas te répondre et on ne mangera plus jamais ensemble. C’était clair. Ce qui n’a pas empêché par moments d’entendre des trucs sur moi qui sont incroyables… Quand tu manges avec un journaliste, tu croises des gens, qui après vont dire “lui mange avec untel, donc il a dit ça”… Même au PSG, quand les dirigeants changeaient souvent, il m’est arrivé d’avoir des réflexions de leur part : “Arrête de parler à untel”. Je leur répondais : “Mais vous me prenez pour qui les gars ? Vous croyez que je vais mettre en péril la vie d’un club, d’un vestiaire ou la mienne ? Je suis pas aussi con que ça.” Mais bon…
Des infos sortent quand même du vestiaire. Cela veut dire que parfois on a envie de dire les choses pour se soulager et régler quelque part le problème pour aller mieux ?
Ce n’est pas une envie. Je pars du principe que ce qui se passe dans un vestiaire doit être réglé dans le vestiaire. Dès que tu le sors publiquement, tu sais que ça va créer des embrouilles. Après, quand ça te touche personnellement, qu’il y a une affaire avec un joueur ou l’entraineur, qu’est-ce qui m’empêchait d’aller le révéler à la presse ? Quand un entraineur te dit un truc, que tu n’es pas d’accord, que tu lui dis une fois, puis deux, puis trois et qu’il insiste, et qu’après tu lis des choses qui sont fausses, bien sûr que tu as envie d’aller dire à tout le monde “ça ne s’est pas passé comme ça, mais comme ci.” Ça fait mal à l’institution, à l’entraîneur ou aux joueurs avec qui tu t’es chopé mais au moins tu as raconté la vérité. Regarde ce que raconte en foot féminin Wendie Renard (dans son autobiographie « Mon étoile » sortie en décembre 2019, ndlr), elle aurait pu fermer sa gueule, mais elle a vu qu’il y avait une injustice, elle a dit ce qu’elle pensait de la sélectionneur des Bleus (Corinne Diacre, ndlr) au risque de perdre sa place. Et alors ? La personne qui lui a fait mal, à l’arrivée, ne s’est pas posée elle la question de savoir si elle lui avait fait mal. Elle trouvait cela injuste, elle l’a dit. Je ne vois pas où est le problème (Wendie Renard dit avoir notamment avoir “souffert de la brutalité” de la part sélectionneuse des Bleues, ndlr). J’aimerais que les joueurs se livrent un peu plus, sur leur états d’âmes, leur état d’esprit, pourquoi ils ne sont pas contents, ce qui va bien. Après, attention, quand tu n’es pas bien sur le terrain, ce n’est pas forcément parce que tu as des embrouilles. Mais c’est bien de se livrer par moments. J’aimais bien ça. Sans dévoiler les choses du vestiaire qui ne me touchent pas.
Vous avez parlé tout à l’heure de choses qui vous ont “fait mal”. Lesquelles par exemple ?
J’étais dans la catégorie des grandes gueules. On me reprochait parfois de trop parler, notamment à chaud, de balancer des choses du vestiaire. Des reproches qui venaient du… vestiaire. Mais peu importe, ils pensaient ce qu’ils voulaient. Et, bien sûr, personne ne m’a chopé en tête-à-tête pour me dire ce qu’il pensait… La fameuse grande famille du football… Prenons la période Vahid Halilhodzic (2003-2005). Il cherchait la taupe du vestiaire. Ça été Édouard Cissé, moi… Il y a aussi eu la période où on jouait le maintien en 2008. Des gens bien attentionnés ont sorti que j’avais personnellement demandé une prime de maintien pour le groupe. Une prime de maintien ?!
Ça ressort encore aujourd’hui sur Twitter cette histoire…
Bah tu vois, ça laisse des traces. C’est être inconscient de ce que peut représenter une prime de maintien et l’ambiance au sein d’un club comme le PSG qui joue justement le maintien. Tu te vois, quelque soit le joueur que tu es, même clé, aller voir tes dirigeants et dire “pour nous maintenir, il faut nous motiver, donc vous donnez une prime” ?! Il y a en effet eu une prime et je m’en suis expliqué maintes fois, mais visiblement des gens ont du mal à comprendre. Sur la fin de saison, les cinq deniers matchs je crois, une prime a été proposée par M.Moulin, dirigeant qui était arrivé en cours de saison pour inverser le cours des choses. Et c’est lui qui pour ces cinq matchs nous a dit que si on gagnait tant de points et que l’on était maintenu nous aurions le droit à telle prime. En aucun cas je n’ai demandé cette prime de maintien. Sur le coup, cela m’a blessé car à Paris, plus qu’ailleurs, je suis venu pour l’amour de ce club. Dans ces moments-là, je souffrais sûrement plus que d’autres joueurs de l’équipe. Le côté financier n’était rien par rapport à ce que l’on vivait au quotidien, la danger de descendre, la vie d’un club et même notre vie. Tu imagines la cicatrice à vie de faire descendre ce club ? Donc l’argent… S’ils nous avaient demander de payer une fois le maintien acquis, on l’aurait fait. La majorité en tout cas.
Vous en avez voulu à certains coéquipiers qui n’avaient pas le même amour du maillot et qui n’étaient pas aussi motivés que vous ?
Quand il y a un décalage, oui. Quand tu te sens investi d’une mission, que tu as un club dans la peau, comme c’était mon cas avec le PSG - et je n’étais pas le seul-, et que tu vois la façon qu’ont d’autres d’aborder certains sujets ou certains matchs… Il y avait beaucoup de peur aussi et un souci psychologique. Est-ce que la peur fait que tu prends des distances naturellement ? Possible. Dans le vestiaire, je peux te dire que les visages étaient bien blancs avant d’aller sur le terrain. Notre peur handicapait trop de joueurs. Et à l’arrivée tu avais moins de prise de conscience du groupe. Je flippais vraiment que ce club dégringole. Mais bon, certains se sont rebiffés, n’ont pas accepté cette situation et cela a permis au club de se maintenir. Et de reconnaître aussi ses erreurs. Tu ne vis pas une saison comme cela sans grosse erreur au niveau du recrutement, de la direction. C’est un ensemble de choses qui nous a mené à la catastrophe. Paris et Marseille, c’est à part. Si certains clubs comme Monaco et Lyon ont pointé le bout du nez médiatiquement, ce que l’on te demande à Marseille et Paris est bien plus important. Pour faire des bonnes saisons dans ces clubs-là, il faut être plus fort que les autres, vraiment. Beaucoup plus fort. Il faut être capable de se remettre en question, de se transcender. C’est du niveau international. Et malheureusement, à l’époque, on n’avait pas assez et pourtant on vendait du rêve aux supporters… J’en avais conscience, comme d’autres. Mais les dirigeants de l’époque non.
Quand vous avez signé au PSG en 2004, j’imagine que vous ne saviez pas ce qui allait arriver… Mais revenons un peu avant cette signature : est-il vrai que vous aviez des propositions de grands clubs européens ? Je cite ceux qui avaient été mentionnés dans la presse : Chelsea, Juventus Turin, Barcelone, Manchester United, AS Roma…
Manchester et AS Rome, peut-être qu’il y a eu un intérêt mais je n’ai pas eu de contact direct et donc pas de propositions. Chelsea, la Juve et Barcelone, il y a eu des propositions. Barcelone le premier.
OK. Comment alors expliquer au grand public qu’un joueur qui sort de 3/4 saisons à haut niveau, d’une finale de Ligue des Champions, qui est le meilleur passeur de la compétition et du championnat, signe au PSG, qui n’est pas celui d’aujourd’hui, et non chez un cador européen ?
À ce moment-là, Paris finit deuxième du championnat derrière Lyon… Bon, reprenons. Si on prend le côté sportif, il n’y a aucun intérêt de signer au Paris Saint-Germain. Tu veux t’éclater et gagner des titres, autant aller à l’étranger dans l’un de ces trois clubs-là. Chelsea commençait à se mettre en place. José Mourinho arrive, l’actionnaire met beaucoup d’argent donc l’équipe est dans la continuité de ce qu’elle fait depuis deux ans. Ils viennent de faire 1/2 finale de Ligue des Champions contre nous, Monaco. Ils finissent deuxième du championnat anglais aussi (à 11 points des Invincibles d’Arsenal, ndlr). Barcelone se remet bien en place depuis un an avec Ronaldinho, Xavi et Iniesta, alors qu'Eto’o et Giuly arrivent, l’équipe a de la gueule. Et puis la Juventus, c’est une institution. Sportivement, le PSG n’avait donc aucun intérêt. Mais j’ai vu d’autres choses. À l’époque, plus qu’aujourd’hui, quand tu es joueur du PSG, c’était un tremplin, tu continuais ta médiatisation en France, ta progression. J’étais au top de ma carrière à ce moment-là : finale de Ligue des Champions, équipe de France, meilleur passeur de la Ligue des Champions et du championnat de France… Tu te dis “Je suis au top, je me sens fort, je me sens pousser des ailes." Et comme Paris venait de finir deuxième de la Ligue 1, avec moi, quelques autres joueurs recrutés et en gardant la base, ce qui était le cas quand on me propose le contrat, je me dis : “On va viser le titre.” Et quoi de mieux que de gagner un titre avec le club de ton cœur ? Mon père m’emmenait au Parc des Princes quand j’avais quatre ans, mes parents vivent encore à 1,5 kilomètre du Parc. J’allais réaliser mon rêve de gosse. Gamin, quand j’écrivais des rédactions, je disais que j’allais rouler en Ferrari, être joueur de football professionnel et jouer au PSG. J’avais l’occasion de réaliser tous mes rêves d’un coup. Et à l’époque, si je n’allais pas au PSG, je ne pouvais y retourner après, impossible de faire le chemin inverse. Aujourd’hui, tu peux venir au PSG après avoir joué à Barcelone, Chelsea ou la Juve. Le club a les moyens, bien plus que nous. Regarde Neymar. Mais nos dirigeants ne pouvaient pas faire ainsi, un joueur à l’étranger coûtait trop cher.
Vous auriez pu gagner beaucoup plus d’argent à l’étranger, non ?
Pas vraiment. Ce n’était pas énorme comme différence, pas deux ou trois fois plus. Je n’étais pas malheureux à Paris, je gagnais très bien ma vie. Et puis entre le côté financier où tu gagnes un peu plus et le côté sentimental où tu réalises ton rêve de gosse, j’ai choisi. Après, il s’est passé ce qu’il s’est passé… Mais je ne regrette pas car j’ai gagné des titres à Paris. Même si ce ne sont que des coupes nationales (Coupe de France 2006, Coupe de la Ligue 2008, ndlr), ça reste des titres, des émotions incroyables. J’ai eu la chance de faire la première finale de Coupe de France PSG-Marseille (victoire 2-1 des Parisiens ndlr). C’était un moment incroyable, car l’on l’a gagné, bien sûr. Il y a des années où on a visé le titre jusqu’en mars-avril et on s’est écroulé. Il y a eu des bonnes campagnes européennes, même si ce n’était pas plus loin que les quarts de finale (en 2009, défaite en 1/4 de finale de la Ligue Europa face au Dynamo Kiev, ndlr). Et puis le point noir, l’année du maintien, en 2008. Mais même si on joue le maintien, à l’arrivée on reste en Ligue 1, on gagne la Coupe de la Ligue et on perd en finale de Coupe ce France, que l’on aurait dû gagner d'ailleurs. Le seul regret que j’ai à Paris est d’avoir fini comme j’ai fini.
Elle n’est pas terrible, effectivement, cette fin…
C’était dur. Résilier avec ton club de cœur… Autant la joie de signer en 2004 est difficilement explicable, autant venir au Parc des Princes en 2010 (après un prêt aux Glasgow Rangers et à Ankaragücü lors de la saison 2009-2010, ndlr) pour signer ta lettre de résiliation et se mettre d’accord sur le dernière année de contrat… J’étais en totale désaccord avec les dirigeants, je ne voulais plus y jouer. C’était un moment pénible. C’est en partie à cause de cela que je suis resté six mois sans jouer après. J’avais besoin de me vider la tête. Les gens ne peuvent pas s’imaginer à quel point j’ai souffert à cette période. Attention, souffrir, on s’entend, sur le mot hein ? J’avais le cœur brisé. Mais c’est comme ça. Mon cœur s’est remis à l’endroit le jour où je suis venu jouer avec Bastia (le 8 février 2013, ndlr) et qu’à la 25è minute le public a applaudi. C’était mon numéro. J’en ai encore des frissons. Parce que quand un public te rend ça alors que j’avais eu des échanges durs avec le club, c’est que eux aussi ont fait leur autocritique. Ils se sont dit que je n’avais pas triché, que je n’avais certes pas toujours été bon, mais que j’aimais le maillot. C’est la vérité.
C’est vrai que vous n’avez pas été aussi bon…
Je te coupe : oui, c’est vrai et je le sais. Mais il ne faut pas oublier les bonnes saisons non plus. C’est paradoxal mais l’année où on a failli descendre, on retient Amara Diané car il met un doublé à Sochaux à la dernière journée qui nous permet de nous maintenir. Mais franchement, je pense que si je ne suis pas à ce niveau-là, on descend. Je ne dis pas pour me lancer des fleurs, c’est juste vrai. L’année 2004, à peine arrivé, je me pète la cheville. Mais en 2005-2006, je retrouve l’équipe de France après une complète. La fin est plus dure avec la sortie de mon livre ("Vous n'allez pas me croire…" sorti en 2008, ndlr). Sur les six ans, il y a des bons moments. Mais tu as raison, les gens ont été déçus, ils attendaient mieux. Sauf que j’avais besoin d’un collectif fort pour gagner. Je ne suis pas Lionel Messi ou Ronaldinho. Je ne suis pas un joueur hors norme. Je pouvais être très bon dans un collectif bien huilé comme ce fut le cas à Monaco. Avec des gens solides, qui te donnent la confiance. Quand j’ai confiance, je pouvais aller loin, techniquement j’avais un pied gauche pas mal. J’ai été élu meilleur joueur du championnat, même en Ligue 2 à Bastia à 35 ans (en 2012, ndlr). À Paris, je n’ai jamais eu ce collectif fort. Tu changes cinq fois d’entraîneur et six fois de président en six saisons. Ce n’est pas possible. C’était trop compliqué pour moi qui ait besoin d’amour. J’étais esseulé là-dedans finalement. Je ne dis pas ça pour trouver des circonstances atténuantes à des périodes compliquées mais ça montre pourquoi les gens ont été déçus de mes prestations. Beaucoup de joueurs sont comme moi, nous ne sommes pas tous des Neymar. Regarde Pedro Miguel Pauleta. Pourquoi tu crois qu’il a marqué autant de buts ? Je ne dis pas que c’est grâce à moi mais s’il l’a fait, c’est que l’on a servi dans des bonnes conditions. Pauleta tout seul, dans un collectif qui ne jouait pas, comme l’année du maintien en 2008, il n’est plus souvent sur le terrain. Parce qu’il n’avait pas assez de vitesse, contrairement à Diané. Notre collectif n’était pas assez fort pour arriver à tirer le maximum de Pedro. Qui était un joueur fantastique. Ça montre que lui a souffert aussi.
Revenons sur votre livre. Le concept du joueur de foot en activité qui sort une biographie…
Il coupe. Il n’y en avait pas en France à cette époque.
OK. Mais quelle était la nécessité de faire ça ?
En fait, c’est tout con. Je n’y avais pas pensé. Je ne me suis pas dit “en 2008, je sors un livre”. Mais vu que j’étais bon public en interview, des gens m’ont proposé d’écrire un livre, comme cela se faisait en Angleterre, pour raconter mon histoire. Qui est différente de la plupart des pros. J’ai galéré quand j’étais jeune, des gens m’ont mis au placard à 15-16-17 ans en disant que je ne serai jamais pro.
Quelles étaient les raisons de cette mise à l’écart ?
Des raisons physiques. J’étais trop petit…
Comme Antoine Griezmann…
Tout à fait. Sauf qu’à la différence d’Antoine, qui est arrivé un peu plus tard, j’étais encore à la limite de la période où des gens faisaient encore confiance aux petits gabarits techniques, avec une certaine vision du jeu… Dix ans après, c’était que le physique et ils n’ont pas voulu de lui. J’aurais été pareil. À Clairefontaine, quand j’avais 13-14 ans, des grands entraîneurs, comme Christian Damiano qui a été coach des équipes nationales et adjoint à l’AS Roma et de Tigana à Fulham ne voulaient pas de moi. Il a dit à mon père alors que j’avais 14 ans : “si vous voulez le récupérer, allez-y, il ne fera jamais de carrière.” C’est dur à entendre… Quand j’étais à Caen, on est six jeunes de Clairefontaine, cinq s’entraînent avec la réserve des pros et moi avec l’équipe 3. Il y a un problème non ? On te dit “non mais toi physiquement tu n’y arriveras pas.” Tout ça fait que la personne qui est venue me voir pour écrire mon livre, puis une autre, ont réussi à me convaincre. Ils étaient plus ou moins au courant et m’ont dit : “Tes débuts difficiles, comment tu t’es battu, Clairefontaine, Caen, tes années à Troyes avec Alain Perrin (entraîneur, ndlr) qui est quelqu’un avec un caractère fort, Monaco avec Didier Deschamps qui vient te chercher, pourquoi tu choisis le PSG, l’équipe de France… Il y a des choses à dire.” Et comme je n’avais pas la langue dans ma poche, j’ai dit “Ouais, ok, pourquoi pas.” On a commencé à écrire, à se voir. Plus ça allait, plus la personne qui écrivait avec moi me disait que c’était bien. Tout en me demandant si j’étais sûr de vouloir dire ça et le publier. J’ai répondu : “Oui, c’est ma vie !” Je voulais parler sans langue de bois. J’aurais dû faire attention en me demandant, si je touchais à untel, ce que cela pourrait entrainer… Mais je parlais de moi. Forcément, j’égratigne certains joueurs, dont Zinédine Zidane.* Car notre relation n’est pas bonne. Elle s’est dégradée sur un malentendu. Que j’explique. Je n’ai pas fait cela pour juger Zidane. Mais quand tu touches à une icône, ça fait parler. Comme d’autres choses que j’ai dites sur France 98, sur Fabien Barthez par exemple. C’est ce que j’ai vécu. Je ne comprends pas pourquoi les gens se sont braqués car c’est ce qu'il s’est passé et je ne parlais que de mon ressenti. Je n’allais pas le cacher, je souffrais de cette relation avec Zidane, avec Barthez car pour moi ce sont des exemples. Ils m’ont fait rêver en 98, j’étais alors à l’orée de ma carrière. Tu crois que je m’imaginais jouer un jour avec eux ? Pas du tout ! C’était seulement un rêve. Mais cela n’allait pas été pris comme cela devait être pris par les intéressés. Certains ont voulu ne pas comprendre et j’en ai pris plein la gueule. Quand tu es une tête d’affiche au PSG, tu te sens fort, “allez-y, critiquez-moi”, sauf que je n’étais pas assez costaud. Je m’en suis pris souvent et longtemps. Et comme mes prestations sur le terrain n’étaient pas bonnes, dans une équipe qui était pourtant enfin mieux avec un collectif pas mal… Va comprendre… Tu te retournes le cerveau, tu ne sais plus. Et les gens à l’intérieur du club qui te tapent sur l’épaule comme le président Villeneuve (Charles, ndlr) qui te parle de ton livre et te dit qu’il est bien, qu’il va m’aider, qu’il faut penser juste au sportif. Il ne s'est jamais occupé de rien…
* Dans son livre Jérôme Rothen raconte une histoire avec Zidane, survenue lors du match Real Madrid-Monaco en 2004 en ¼ de finale de Ligue des Champions : "Son tacle me fauche la cheville et je me retrouve au sol. Je n'ai pas vraiment mal, mais vu qu'il ne reste que quelques minutes à jouer, je m'écroule comme un mauvais acteur de cinéma. (...). Zinédine s'arrête à côté de moi, se penche et me lance : “Relève-toi, fils de p...”. Rothen regrettera que Zidane ne se soit jamais excusé.
Concernant Fabien Barthez, il ne lui a “tout simplement jamais adressé la parole, ou alors pour me pourrir. Entre le gardien de l'équipe de France et moi ça ne l'a jamais fait”.
Les relations sont comment aujourd’hui avec Zidane, Barthez… ?
Il n’y en a pas. Le passé est le passé, on peut mettre ça de côté. Mais pas eux visiblement. Alors que c’est moi la victime dans cette affaire. Des choses restent ancrées en moi. Si je les croise demain, je leur dis bonjour. Et si eux ne veulent pas, tant pis pour eux, et pour moi aussi. Je ne me mettrai pas à genoux devant ces mecs-là. C’est plus eux qui m’ont fait du mal qu’autre chose. Et j’ai un autre métier, j’évacue. Et cela ne m’empêche pas de parler d’eux, enfin pas Barthez car il n’est pas dans le foot. Mais Zidane est coach du Real Madrid. Quand je vois qu’il a tout gagné pendant trois ans au Real et que là il redresse la situation dramatique du club, tu ne peux que dire “bravo”. Pas question d’animosité. Je suis assez juste. Je l’ai toujours été. Lui ne l’a peut-être pas été. Mais c’est comme ça. On ne peut pas toujours s’entendre avec tout le monde.
Vous parlez d’honnêteté. Comment vous abordez votre métier, et cette objectivité quand vous donnez un avis qui est forcément subjectif… ? Surtout que vous êtes manager d’une émission…
Je ne sais pas si cela se bosse. Quand on voit une émission, un match, on a tous notre avis car on fait attention à quelque chose de particulier. Certains vont regarder le côté athlétique, d’autres la technique, la tactique. Tu ne peux pas tout voir. Rolland Courbis regarde avant tout ce que veut mettre en place l’entraîneur. Moi, ce sont les milieux de terrain car la bataille du milieu est le plus important selon moi. Donc je vais être critique sur les milieux. C’est objectif mais subjectif en fait. Et tu peux convaincre des gens parfois. C’est pour cela qu’il y a des débats, que l’on s’engueule.
Vous arrivez à admettre que vous avez tort ?
Oui. Il faut être à l’écoute. Tout le travail du chef d’orchestre de l’émission est dans l’écoute. Quand je lance un débat, les autres répondent, il faut que je sois encore plus à l’écoute que d’habitude. Quand on te demande un avis, tu n’écoutes pas forcément celui des autres. Bon parfois j’écoute Daniel Riolo (journaliste à RMC, ndlr) mais ça me rend fou donc on s’engueule. Là, je ne dois pas leur couper la parole. Il faut les laisser parler, les laisser créer le débat. Et parfois, je me rends compte qu’ils avaient raison. Les auditeurs aussi. Cela m’arrive rarement d’avoir tort mais bon… rires
La direction RMC vous briefe parfois, vous demande de faire le buzz, de créer des polémiques ?
Non. Chaque débat que l’on a pu avoir dans l’émission n’a jamais été l’objet de contestation. Sur la critique, ils n’ont pas besoin de nous dire de l’être plus, on sait faire ! Mais on sait être positif. Le but n’est pas de fracasser untel ou untel.
Vous commentez également des matchs diffusés sur la chaîne de télévision RMC Sport. Le plaisir est-il le même ?
Oui. J’aime être sur place, respirer le terrain, être au contact des joueurs, voir leurs déplacements, la vitesse de jeu, la répétition des efforts. C’est mieux qu’à la télé. Après, l’emploi du temps est très chargé. La fatigue psychologique s’installe entre les plateaux et les déplacements. J’ai arrêté le foot anglais, je vais aussi arrêter l’Europa League, je ne vais faire que la Champions League. Il faut que le plaisir reste intact. Mais le commentaire est utile dans mon développement.
Je fais Dortmund, Tottenham, Lyon, Chelsea en février… Ça va faire pas mal de choses !
Votre avis sur la confrontation entre Dortmund et le PSG ? (L’interview a été réalisée avant le match aller perdu 2-1 en Allemagne par les Parisiens, ndlr)
Hum… Il faut mettre le frein à main sur tout ce que l’on dit étant donné ce qu’il s’est passé les années d’avant (les éliminations du PSG en huitièmes de finale après avoir eu largement la qualification mains, contre Barcelone en 2017 et Manchester United en 2019, ndlr). Le match est dans deux semaines, on verra. Mais si les joueurs sont en forme comme aujourd’hui, avec un Neymar à ce niveau-là, le PSG peut voyager tranquille. Neymar est la baromètre de cette équipe. Je lui en voulais après ce qu'il s’est passé au mois d’août. Car ce club est particulier pour moi. Il n’a pas le droit, en tant qu’idole, de réclamer un départ comme il l’a fait. Il aurait dû prendre la parole et dire clairement les choses. Après, je suis le premier à dire que depuis trois mois, il est stratosphérique. C’est un joueur incroyable. Quand tu as joué au football et que tu vois ce qu’il fait comme gestes, son aisance technique, ses buts, ses passes… Je crois que je n’ai pas vu un joueur aussi fort à Paris. Tant mieux qu’il soit resté, pas de cette façon là, mais tant mieux. Dans son comportement, il semble heureux à Paris. J’espère qu’il ne recommencera pas et je ne crois pas qu’il le refera. Avec des joueurs comme ça, je ne vois pas comment ses coéquipiers ne pourraient pas suivre. Tu dois te mettre minable pour lui, pour défendre. Le plus facile dans le foot est d’avoir envie, de défendre. Le PSG a failli dans ces domaines ces dernières années, il faut se servir ce ça. Il y aura encore des faiblesses. Mais avec un Neymar comme ça, le PSG peut battre tout le monde.
Et Kylian Mbappé, il est vraiment au-dessus ?
Par rapport à son âge, oui. Mais il lui manque encore beaucoup de choses, enfin des choses… Il faut être plus tueur, et il doit arrêter de faire son Neymar parfois. Son talent est incroyable mais techniquement Neymar est au-dessus. Kylian doit se concentrer sur ce poste axial de l’attaque. Il passera ce cap mais ne sera jamais à la hauteur d’un joueur comme Neymar. Tout le monde dit qu’il aura le Ballon d’Or un jour. Je lui souhaite, vraiment. Mais il ne l’aura pas forcément grâce à ses qualités individuelles, ses stats. S’il gagne un jour la Ligue des Champions avec le PSG et que Neymar n’est pas top, qu’il marque 35 buts dans l’année comme le font Messi et Ronaldo depuis dix ans et qu’avec l’équipe de France il est toujours déterminant, il l’aura. Mais cela ne voudra pas dire que c’est le meilleur joueur du monde. Car le meilleur, c’est Messi. Et Neymar n’est pas loin derrière.
Et Cristiano Ronaldo alors ?
C’est différent. Ce qu’il fait est fabuleux, je suis fan du joueur, de sa façon de bosser. C’est une bête humaine. Mais en qualité intrinsèque, Messi est plus fort. Mbappé doit s’inspirer de Ronaldo plus que de Messi ou Neymar. Même si techniquement, Mbappé est capable de plus de choses par rapport à ce que Ronaldo pouvait faire. Ronaldo misait, comme Mbappé, beaucoup sur la vitesse, il a su adapter son jeu, être tueur, se placer. Mbappé devra faire pareil.
Parlons de l’avenir et plus précisément de celui de votre employeur, RMC Sport : le directeur général est parti après seulement un an, l’ambiance n’est donc pas à la fête…
Non et cela se voit dans la rédaction. Ça m’embête de voir des gens se poser des questions. Il y a nous à l’antenne mais il y a tout ceux qui derrière l’écran, dans les coulisses, font en sorte que les émissions se passent bien, les techniciens, les journalistes… Cela nous impacte tous car si un jour la chaîne ferme, le news restera toujours, la radio j’entends. La télé… Si la chaîne ferme parce que l’on perd les droits de la Ligue des Champions et qu’économiquement parlant ce n’est pas une bonne opportunité pour le groupe SFR de continuer, il faut l’accepter. Aujourd’hui, mon pain quotidien est la radio. Et la radio cartonne. Il n’y a pas que mon émission hein ?! RMC est la radio du sport, de tous les sports. J’ai dû mal à imaginer que la stratégie soit de réduire les coûts et d’enlever de l’antenne ce que l’on fait à la radio. On verra, je suis sous contrat. Mais je préférerais que tout le monde ait le sourire. Même si la situation se comprend. Le chef, Laurent Eichinger, arrive et part un an après. On ne sait pas trop pourquoi. On entend tout et son contraire : Alain Weill a confirmé que la Ligue des Champions resterait sur RMC Sport la saison prochaine alors que quelques jours avant ce n’était pas le cas. On disait que les chaînes fermeraient vite. On vit au jour le jour et on essaye de s’éclater. J’ai encore envie de le faire longtemps à RMC. Si ce n’est plus RMC, on verra bien. Je suis le numéro 1 des consultants de toutes façons, donc j’aurai des propositions ! rires
Dans une interview parue dans Le Point pour le lancement de “Rothen régale” en septembre 2019, vous aviez dit : “Je veux que ma voix compte dans le foot.” Alors ?
Elle compte et j’espère que ce sera encore le cas longtemps. Tu le vois aux appels que tu reçois après un débat, le relais sur les réseaux sociaux, la presse écrite… Des dirigeants de clubs, de grands clubs, par moment, nous écoutent sur la façon de voir les choses, de penser. Et par moment cela nous donne raison. Ils ne vont pas le dire publiquement mais ils savent. Après, il faut rester à sa place. Je n’ai pas toujours raison. Dans chaque pays il y a des consultants phares, quand ils disent des choses cela a un impact. Des agents qui t’appellent pour te dire que tu as été un peu dur, ça veut dire que ça compte. J’espère avoir encore une place plus importante à l’avenir.
Vous avez quelques ennemis dans la profession, comme Pierre Ménès, journaliste à Canal +…
Ce n’est pas qu’il ne m’aime pas mais… Je ne sais pas en fait. En plus, j’étais un des joueurs qu’il critiquait le moins.
Que lui avez-vous fait alors ?!
Tu peux être en désaccord avec des gens, ne pas apprécier la personne. Après, il y a des limites. Il y a tellement de haine sur les réseaux sociaux alors si des personnalités s’écharpent dessus, se répondent et balancent, on ne s’en sort pas. C’est gratuit ce qu’il fait. Si à chaque fois je devais relayer les conneries qu’il peut dire… Et lui demander de se mettre dans la peau d’un joueur… Il ne peut pas, donc je le laisse. Il fait ses émissions et tant mieux si ça marche. Apparemment l’émission à son nom n’a pas très bien marché. (« 19h30 PM », lancée en 12017 sur Canal + et arrêté en 2018, ndlr) Cela a un goût amer pour lui, c’est une cicatrice. Je le comprends. Quand on te donne une émission et qu’elle s’arrête au bout d’un an, c’est difficile à accepter. Il se dit peut-être qu’il faut que « Rothen régale » s’arrête vite. On verra en juin. Il aura peut-être raison.
Je me rends compte que l’on a très peu évoqué l’équipe de France depuis le début de l’interview. C’est combien de sélection déjà ?
15 (13 en réalité + 2 en équipe de France A’, qui n’existe plus aujourd’hui, ndlr). Ce n’est pas beaucoup.
Y-a-t-il plus de regrets que de bons souvenirs ?
Je n’ai pas de regrets. L’équipe de France, c’est un aboutissement. Ça parait inaccessible au début de ta carrière. D’autant plus que je suis arrivé dans la génération avec les champions du Monde et d’Europe, à part Didier Deschamps et Laurent Blanc qui avaient arrêté après l’Euro 2000. C’est une fierté d’avoir intégré ce groupe. Je ne dis pas qu’aujourd’hui c’est plus facile de le faire, car ils sont champions du monde, mais il y a une période où tu devenais international plus facilement que nous le pouvions. Il nous fallait faire de très bons matchs de Coupe d’Europe et de championnat pour espérer être appelé. Je suis donc fier. Je me suis accroché, j’en suis parti, je suis revenu. Je ne me suis pas installé quand il fallait, je n’ai pas senti la confiance du coach pour que ce soit le cas. Avec Jacques Santini, tous les cadors étaient encore là. Je méritais plus de temps de jeu, il aurait pu tenter autre chose à l’Euro 2004 (défaite 1-0 de la France en 1/4 de finale contre la Grèce, ndlr). Il y avait des cadres vieillissants et je sortais d’une année énorme avec Monaco. Mon autre regret, et il n’y a pas que moi qui le dit, c’est d’avoir connu Raymond Domenech comme sélectionneur. Il n’était pas fait pour ce poste-là. Si seulement j’avais connu Didier Deschamps en équipe de France… J’avais sa confiance et il m’aurait fait passer un cap. Mais c’est comme ça. Je suis tellement fier d’avoir joué en équipe de France, d’avoir les maillots à la maison, j’ai joué pour mon pays. Il n’y a rien de mieux.
Où en êtes-vous concernant le métier d’entraîneur ?
J’ai passé les premiers diplômes. Mais c’est inconcevable avec mon métier d’aujourd’hui. L’âge fait qu’il faut que je me décide très vite. Je ne vais pas devenir entraîneur à 55 balais ! J’adore mon métier de consultant aujourd’hui, je prends beaucoup de plaisir. Donc l’avenir est là.
Vous vous voyez gérer des stars aux ego parfois un peu surdimensionnés ?
C’est compliqué ! Tactiquement beaucoup sont capables de mettre un schéma en place, de dire aux joueurs de faire ceci ou cela sur le terrain. En revanche, gérer les ego surdimensionnés d’une génération différente, des états d’âme, le vestiaire, il faut être un fin psychologue pour y arriver. Et tu ne pourras pas le savoir sans avoir essayé au moins une fois. Ce qui est sûr, c'est que lorsque j’ai entraîne en DH au Plessis-Robinson lors de mon premier diplôme, j’y ai pris énormément de plaisir, même si c’était du foot amateur. Mais il faut faire un choix. C’est trop facile de se dire : je suis entraîneur, je me fais virer donc je vais devenir consultant pendant six mois un an et je repartirais quand j’aurais une opportunité.
Beaucoup le font ça…
Oui. Mais ils ne sont pas bons car ils sont trop dans le calcul. Ils ne peuvent pas se mettre à dos tel dirigeant ou tel joueur. Imagine si tu dois les entraîner après. Tu as donc le frein à main. Que tu les utilises médiatiquement, ok, mais on ne peut pas parler de consultant référence dans ces cas-là.
Vous êtes donc plutôt Éric Carrière que Mickaël Landreau ou Jocelyn Gourvennec ?
Exactement. Mais il n’y a pas qu’eux. Attention, je suis pas dans la critique facile, mais c’est la vérité. Leur posture est délicate, leur discours est enrobé, ce qui ne va pas avec ma personnalité et la vision que j’ai du métier de consultant. Ça fait plus de mal que de bien. Éric Carrière a une excellente analyse. Tu aimes ou pas son timbre de voix, mais il amène beaucoup tactiquement. Il ne se froisse pas souvent avec autrui alors que nous à RMC on est plus rentre-dedans. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’est pas bon. L’important est qu’il n’est pas dans le calcul, contrairement à d’autres. Mais chacun fait ce qu’il veut. Et si demain je suis décidé à être entraîneur, j’arrêterai d’être consultant.
Une dernière question : si vous étiez au PSG aujourd’hui, vous sériez titulaire ? Remplaçant ?
Tous les jours titulaires ! rires Bon, c’est difficile de comparer mais essayons. Je jouerais à trois au milieu, à gauche. Et si on est quatre au milieu, ce serait à gauche toute et je déplacerais Neymar ailleurs.
Le problème pour vous est que les joueurs dans votre style n’existent plus beaucoup. On met beaucoup de droitiers à gauche pour qu’ils rentrent vers le centre ensuite et vice-versa…
C’est vrai. Les faux pieds… Je ne pourrais pas faire Di Maria car il est davantage dans la percussion, plus finisseur et buteur que moi. Je pense qu’au milieu de terrain, je serai pas mal. J’avais la caisse physique, la vision du jeu, de la technique pour ressortir des ballons et servir les attaquants. C’est un poste que j’ai occupé à la fin de ma carrière, je ne pouvais plus jouer sur le côté. Bon je te dis que je jouerai car regarde : quand j’arrive de Monaco ici, je suis un joueur très convoité, qui sort d’une très grosse saison, qui a une grosse côte. Si un tel joueur arrive avec ce pedigree aujourd’hui au PSG, il joue ou pas ?
Il joue, très sûrement…
Bah voilà. Mais ce n’est pas la même génération. Je me serais éclaté en tout cas avec des dirigeants qui visent très haut, la victoire en Ligue des Champions. Il fallait cela à ce club. Je gueulais souvent car je trouvais qu’ils n’investissaient pas assez. Aujourd’hui, ils investissent.
Bon vraie dernière question maintenant : vous êtes en forme physiquement, tout va bien ?
J’ai un peu d’arthrose dans les chevilles, mais ça va. Je reprends le tennis. J’étais 15/2 à une époque. Là je suis en 1/4 de finale d’un tournoi, j’ai battu un 15/4, je vais jouer un 15/2. Après ce serait 15/1 et 15. Pas facile !
Vous suivez le tennis du coup ?
Quand il n’y a plus de Français, ça me fait chier. Bon, Nadal et Federer c’est énorme, j’avoue. Je suis plus Nadal, pas par rapport au style car Federer c’est fabuleux mais par rapport à l’homme. Je les connais tous les deux. Ce ne sont pas mes potes, mais dans le relationnel, je suis plus Nadal. Et pourtant sur le terrain… Comme moi, les gens disaient que je n’étais pas facile sur le terrain. Je ne suis pas Nadal mais je le préfère, Federer, ça fait plus calculé.
Par Jérémy Patrelle
21 février 2020
Avis aux amateurs de l'after, intéressant quoi qu'on pense du personnage.