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Les confessions de Franck Leboeuf sur l'autre réalité de France 98
Les grandes victoires gomment souvent les petits drames. L'ivresse du succès collectif efface le spleen individuel. Dans un rare moment de sincérité, Franck Leboeuf s'est confié sur ce qu'il a vécu en 1998. Il y a 18 ans, en demi-finale de la Coupe du monde, Laurent Blanc est expulsé contre le Croatie. Il loupera donc la finale. Franck Leboeuf, remplaçant depuis le début de la compétition, jouera le match du titre. Mais loin d'être une joie et une chance, c'est un calvaire.
"Je n'aurais pas dû être là ce jour-là [...] C'était un match très difficile pour moi. Tu allumais la télé, tu regardais les journaux, les magazines, c'était comment on pouvait faire pour gagner sans Laurent Blanc. Tu te sens légèrement comme une merde. Aimé Jacquet (le sélectionneur de l'équipe, Ndlr) ne m'a pas parlé pendant trois jours. Je ne sais pas pourquoi. Je n'ai jamais eu d'explication. Je lui en ai voulu", signale l'ancien défenseur, ému, dans l'émission Le Vestiaire sur SFR Sport 1, devant son ancien coéquipier, un peu étonné, Emmanuel Petit.
La mauvaise blague de Deschamps et Dessailly
Ce dernier le questionne sur un fait qui avait surpris voire choqué à l'époque : à la fin du match contre la Croatie, en demi-finale, Leboeuf était dans les bras de Bilic, responsable de l'expulsion de Laurent Blanc. "Je connaissais Bilic [...] Je ne sais pas ce qui s'est passé. Le match se termine. Je me retourne. Bilic est là, il me prend dans ses bras, raconte Frank Leboeuf. Il me dit bonne chance pour la finale. Le lendemain, Didier Deschamps et Marcel Desailly ont placardé à la cantine à Clairefontaine cette photo-là. Je n'ai pas apprécié. J'ai dit que c'était scandaleux."
"Si on perd, on ne reviendra jamais en France"
Franck Leboeuf pousse les confessions jusqu'à l'intimité du vestiaire, pourtant un lieu sacré où rien ne doit sortir. "On est entrés au vestiaire après le match. Il y avait une gêne terrible Pas un mec dans les trois jours n'est venu me voir pour me dire t'inquiète pas, on a confiance. Pas un mec. Je me suis senti tout seul. Je remercie deux personnes. René Girard et José Touré qui travaillaient pour une télévision. Ils ont dit il faut arrêter avec ça [...] J'avais dit à mon ex-femme, si on perd, ce sera tout pour ma gueule, on ne reviendra jamais vivre en France. On est prêt à me sauter dessus. Je dis toujours, c'est le pire jour de ma vie et la plus grande soirée de ma vie", confesse-t-il.
"Je n'en ai jamais parlé avec Aimé Jacquet. À la fin du match, on me voyait à côté de lui. Je lui en ai voulu énormément. Je n'ai pas compris. J'avais besoin de sentir un certain amour. Il y a prescription. Je n'en veux à personne. Quelquefois, je me pose la question. Et si on n'avait pas gagné ?", conclut le défenseur. Un témoignage qui prouve que derrière les sourires et la cohésion de façade, se tramaient des divisions. Les victoires et la littérature qui les accompagne sont parfois trompeuses...
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Pascal Praud - Franck Lebœuf, salisseur de mémoire
Je n'aime pas les salisseurs de mémoire comme dit un personnage de Michel Audiard (Maître Folas) dans la cultissime scène de la cuisine via Les Tontons flingueurs. Je n'aime pas les règlements de comptes à des années de distance. À quoi bon ? Je n'aime pas cet état d'esprit qui brûle ce qu'on a aimé, qui abîme le passé, qui déterre des vieilles rancœurs. Il existe des gens fabriqués comme ça : ils crachent dans la soupe, attaquent une ancienne fiancée, chargent un ex-employeur, etc.
Faut-il que ses souvenirs aient macéré dans un grand pot d'aigreur pour que 18 ans plus tard, au hasard d'une conversation à la télévision avec son ancien partenaire Emmanuel Petit, Franck Lebœuf, comme un enfant qui n'aurait pas digéré qu'il fut le souffre douleur à la recréation, revienne sur un détail, oui un détail, un truc insignifiant, qui a blessé son ego. Pauvre petit Franck ! Aimé Jacquet ne lui a pas parlé durant les trois jours qui ont précédé la finale de la Coupe du monde. Et vous n'allez pas le croire, Didier Deschamps et Marcel Desailly ont affiché à la cantine une photo qui le montrait, lui, Lebœuf, dans les bras du croate Bilic ! Eh bien, voyez-vous, depuis 18 ans, chaque nuit, des cauchemars hantent le sommeil de Franck. J'imagine qu'il laisse une petite lumière allumée dans le couloir pour ne pas avoir trop peur, qu'il se réveille en sueur vers 3 heures du matin, qu'il se pelotonne dans sa couette, prend un mouchoir, pleure un bon coup et retrouve un endormissement en serrant bien fort son doudou.
Le prix de la médiocrité
Je n'ai rien contre Franck Lebœuf. Il me semblait qu'il allait bien dans ses baskets, qu'il avait trouvé une autre voie que le foot après la carrière et que ça marchait plutôt bien. D'où mon étonnement. Je trouve cette sortie un peu minable. 1998 est une jolie chose. Lebœuf a participé à une belle histoire. Jacquet et les Bleus ont mis des millions de Français dans les rues. On a chanté des lalalalalala qui me donnent encore le frisson quand j'entends « I Will Survive ». Si je pense à cette période joyeuse, je n'ai pas envie d'entendre des querelles de cours d'école.
Je ne nie pas le traumatisme post 98 qu'a subi Francky le mal-aimé, sans jeu de mots. Je suis persuadé qu'un traitement de choc s'impose : un bon psy, quelques médicaments efficaces, une nurse à domicile, que sais-je ? Mais au-delà de la peine qu'il nous fait, il abîme surtout une personne : lui-même. Appelons ça le prix de la médiocrité.
Leboeuf VS Praud, là on a match.