Merci Mano

Dans la Voix du Nord y en a toutes les semaines des histoires comme ça

Ils ont une façon de relater les faits divers qui est exceptionnelle en plus. Celui-ci c'est un de mes préférés :
Citation
Auby : accusé d’avoir violé sa compagne avec un mixeur, il nie l’avoir étranglée
Le procès d’André Horbant, Aubygeois de 64 ans, s’est ouvert ce mercredi. L’homme est accusé d’avoir violé et tué sa concubine, Paule Depelchin (67 ans), le 4 janvier 2012, à leur domicile de la rue Gambetta à Auby. Une première journée d’audience éprouvante.
La voix éraillée par des années de tabac, un accent d’ici à couper au couteau, André Horbant déplie sa haute carcasse bedonnante derrière la vitre du box des accusés : "J’ai plus rin à dire, tout a été dit, j’l’ai répété tout le temps." On n’est qu’au premier jour de son procès et l’accusé affiche déjà sa position : "J’suis responsable de la mort de Paula, c’éto un accident, j’ai voulu la violer c’est vrai." Pour le reste, les détails, le mobile... : "C’est le trou noir." Alors la présidente Claire Le Bonnois se met au travail, finement, pas à pas : "On va essayer de comprendre car on ne nous raconte pas l’histoire."
André Horbant est un plaisantin, c’est lui qui le dit : "À la prison, on m’appelle le grand-père du rez-de-chaussée, je fais toujours des blagues avec les surveillants." Quand il dit qu’il cherche un moyen de tuer sa femme et demande conseil au boulanger d’en face, à Auby, c’est donc "en rigolant" ? Aujourd’hui, on connaît l’issue fatale, c’est tout de suite moins drôle.
André Horbant et Paule Depelchin se sont installés à Auby le 4 novembre 2011 après quelques années passées en mobile-home dans deux campings des Flandres. Sur les dates, Horbant est incollable. Capable de donner, au jour près, les dates de naissance de ses dix frères et sœurs, les périodes durant lesquelles il a travaillé à la filature de Lomme puis comme pion dans un lycée... Il est moins précis en revanche à l’évocation d’un passé peu glorieux et notamment une condamnation pour une agression sexuelle sur une fille de 11 ans, en juillet 2005, dans une chorale d’église à Lomme. "J’ai reconnu mais j’ai rien fait... J’ai nié sans nier." Comme lorsqu’il a embrassé une lycéenne sur le bouche dans une salle d’études où il était surveillant quelques années plus tard ?
Avant Paule Depelchin, André Horbant a eu plusieurs femmes. Plusieurs enfants aussi, entre les siens (trois), ceux de ses compagnes et ceux qu’il a adoptés. Un père au foyer « qui s’occupait bien de nous », selon Séverine, mais qui n’a plus de contact qu’avec deux d’entre eux. Les autres ? Certains ont été "mis à la porte parce qu’ils ne voulaient pas aller travailler", d’autres ont vu la face très sombre d’André Horbant, à partir du moment où il a commencé à beaucoup boire de cet "alcool héréditaire".
Nathalie, par exemple, n’était pas là hier mais sa déposition a été lue devant Monique, sa mère, une ex d’André Horbant. L’accusé en avait la garde quand Monique et lui se sont séparés, en 1987. Nathalie désigne André Horbant quand elle évoque d’abord des attouchements sexuels à l’âge de 6/7 ans puis des viols quand elle était adolescente dans sa chambre du domicile familial, à Lambersart. Monique s’effondre en pleurs à la barre. Elle ne l’avait jamais su. Horbant, qui n’avait jamais rien dit non plus, aquiesce : "J’reconnais." Pourquoi ? "J’sais pas."
Voilà le contexte pesant dans lequel la cour aborde les faits de cette nuit du 4 au 5 janvier 2012. Le couple avait reçu la visite de l’un des deux fils de Paule en fin d’après-midi, pour les étrennes. La dispute, une énième dispute, a éclaté après. Sur fond d’alcool évidemment. Paule Depelchin buvait beaucoup elle aussi. Trois grammes ce soir-là. Du pastis uniquement. Horbant, qui avait "accéléré l’alcool depuis la retraite" car il avait "rien à faire", s’est emporté, a collé "un Milan-San Remo" (comprenez une gifle en aller-retour) à Paule, des mots ont fusé et puis... "Trou noir. (...) J’voulais pas sa mort à Paula, j’éto au bout du rouleau. Ça a explosé dans les mauvaises conditions. Elle voulo pas avoir de relations, tout s’est mélangé." "Elle vous a repoussé ?" , tente l’avocat général Jean-Louis Kantor. "Ben ouais", lâche l’accusé."Mécaniquement, vous n’avez pas pu avoir de rapport avec elle, avance Me Loïc Bussy, l’avocat de la défense. C’est à ce moment-là que la colère est montée ?" "Ouais."
Ils devaient être à deux dans le lit, ivres autant l’un que l’autre, Paule encore toute habillée. Avant minuit, cette petite femme d’1,52 m pour 60 kg est morte. Le corps couvert d’hématomes, avec cinq côtes cassées, des bleus au visage dissimulés sous une épaisse couche de fond de teint. L’autopsie a conclu à un décès par étranglement et précédé d’un viol sordide. Un viol avec une tête de mixeur retrouvée dans un pli de la couette plusieurs jours plus tard et exhibée à l’audience. "Les lésions vulvaires sont compatibles", a confirmé le médecin légiste. Horbant, lui, n’en a aucun souvenir et n’a pas regardé les photos du corps sans vie de Paule sur les écrans : "J’sais que le mixeur était su l’ tape, j’sais pas pourquoi il s’est retrouvé su l’lit."
Milan-San Remo