Citation
À la Saint-valentin ou à la Saint-Glinglin
L’UBIQUITÉ TÉLÉVISUELLE d’un week-end glacé, qui donne envie d’être partout mais pas dehors, nous a laissé trois images majeures.
D’abord, les joueurs zambiens, à genoux, se tenant par les épaules, en train de chanter pendant qu’un des leurs s’élançait dans la série des tirs au but de la finale de la CAN. C’étaient des psaumes plutôt qu’un hommage à Whitney Houston, et s’ils regardaient le ciel, c’était en songeant à la génération zambienne morte dans un accident d’avion, en 1993, au Gabon, en tombant exactement de ce ciellà. Hervé Renard dit avoir senti une force. On peut très bien ne croire à rien et croire à cette force. L’irrationnel est le décor traditionnel du football africain. On connaît un président d’un grand club français qui faisait régulièrement appel à un sorcier africain, après que celui-ci lui avait annoncé un score, le nom du buteur, et la minute du but, à la veille d’un exploit historique. À ce niveau de stress présidentiel, le réconfort était donné, ou presque. Dans un moment difficile, devenu entraîneur, l’un de ses anciens joueurs lui avait demandé le contact du sorcier, plus de dix ans après. Mais dimanche, à Libreville, il n’y avait rien de sorcier. C’était magique, c’est tout.
La deuxième image, c’est Suarez refusant de serrer la main de Patrice Évra. C’est l’image d’un sale type, qui piétine l’honneur de Liverpool et de sa profession, en surplus des insultes racistes pour lesquelles il a écopé de huit matches de suspension. Après son arrêt sur la ligne en demifinale de la Coupe du monde 2010 face au Ghana, il est dommage que la main de l’uruguayen soit plus célèbre que ses pieds. Pour le communiqué d’excuses diffusé dimanche, on peut être sûr que ses mains n’ont pas servi. Rien ne venait de lui, rien n’était sincère. Suarez, « We will always not love you ». C’est pas très joli, pas très anglais ? Tout le monde a chanté Whitney en yaourt, l’essentiel est que l’idée passe.
Enfin, troisième image, M. Varela s’adressant à Claude Makelele. Là, ce qui marque, ce n’est pas seulement l’image. C’est le micro. Ce qui est étrange, c’est que l’on se dit qu’il ne peut pas ne pas savoir. On connaît des générations d’arbitres qui ont provoqué des arrêts de jeu, pris leur temps, demandé à des joueurs de venir les voir, dans les matches de 21 heures du dimanche soir, dans un rêve de gros plans répétés sur Canal +. Quand un arbitre est grandiloquent devant un banc, il sait que les caméras sont là. Le micro, c’est autre chose, et c’est ce qui fai t toute la différence, dimanche soir. La manière dont M. Varela intime : « Assis, assis ! » à Claude Makelele laisse pantois. Il le traite comme un chien, au sens premier du terme. Alors qu’à son poste de milieu de terrain finissant, « Keke » était devenu, par roublardise et influence, l’un des meilleurs arbitres de L 1, ces deux dernières saisons, cet épisode niçois est troublant, et interroge sur la manière dont ce jolimondes’adresse à lui-même. Ce n’est sûrement pas un reproche à sens unique : sur ce terrain-là, il est évident que ce ne sont pas les arbitres qui ont commencé. Mais l’arrogance sied mal à cette vocation. Aujourd’hui, c’est la SaintValentin, mais ces gens-là ont plus de chances de s’embrasser à la Saint-glinglin.