Si j'ai bien suivi une partie des photos d'enfants en cage date d'Obama le prix Nobel de la paix... Donc ça se faisait déjà avant. Trump ou pas c'est leur pays qui est flingué.
Sinon
Citation
« J’ai été inspectée en ce début juin, pour un rendez-vous de carrière, la mission centrale des Inspecteurs dans le cadre des PPCR (Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations), dans une REP difficile, avec des 5e qu’il m’aura fallu canaliser durant 10 mois, avec lesquels (pour les 2/3 d’entre eux) j’ai dû batailler pour obtenir un « bonjour », « au revoir », pour qu’ils aient une feuille et un stylo, pour qu’ils daignent prendre ledit stylo pour écrire sur ladite feuille, dont les copies, quand elles ne sont pas blanches, ressemblent à des gribouillis d’enfants de 7 ans (et encore) n’offrant ni majuscule, ni ponctuation, et dont les mots s’enchaînent sans cohérence.
L’inspecteur, grisonnant et jovial, me rassure dès son arrivée, et m’assure qu’il est là pour conseiller et aider les professeurs à s’améliorer, certainement pas pour « casser ».
J’ai choisi de faire cette heure de cours sur la distinction entre les propositions indépendantes et subordonnées.
Mon Power Point est au poil et les exercices progressifs. La veille, nous avions, à base d’observations, écrit l’introduction du cours et défini ce qu’était une proposition. Je démarre donc par quelques rappels en les faisant pratiquer au tableau. Ils ont retenu. Victoire.
Le cours se déroule dans un grand calme… ils ont fini, au fil de l’année par comprendre que travailler se faisait dans l’écoute. Ils participent, lèvent la main, vont au tableau, et apprennent à comprendre l’enjeu d’une proposition, et à les analyser avec rigueur. Ils ont compris. Et en plus, ils se comportent comme des élèves modèles, chose rare que je ne savoure que depuis un mois ou deux.
Durant les exercices en autonomie, je circule pour aider les élèves. L’inspecteur aussi. (???)
Je donne quelques applications à terminer pour le lendemain, qui me permettront de passer à des exercices plus complexes d’écriture.
L’entretien peut ensuite démarrer avec ce bonhomme enthousiaste, qui a bien meilleure mine que moi — je me fais la remarque intérieure que nous n’avons clairement pas passé la même année. Je suis éreintée, et je lui dis dans le couloir qui nous mène au bureau de l’entretien.
Cet entretien sera une véritable épreuve pour moi. Tout du long, j’oscillerai entre la stupéfaction, l’envie d’exploser de rire et de fondre en larmes en même temps de désespoir. Comment a-t-on pu en arriver là ?
« Commençons par parler de votre cours en lui-même »…
La première partie de mon cours sur le repérage des propositions, et la compréhension d’une « indépendante » était lourde et peu utile. Il aurait fallu attaquer directement par ces histoires de subordonnées, beaucoup plus intéressantes. D’ailleurs, les élèves se sont davantage éveillés à ce moment-là du cours. Et puis, avoir insisté pour qu’ils disent « PROPOSITION subordonnée » était superflu : tant qu’ils comprennent l’idée de subordination… le terme « proposition » ne correspond pas à une véritable catégorie grammaticale. Il aurait d’ailleurs été préférable d’attaquer le cours par l’analyse de subordonnées, afin qu’ils « ressentent » cette grande idée de subordination.
Il a vu dans le classeur d’élève que nous avions démarré ce cours écrit par une définition, ce qui ne lui semble pas terrible. Cela doit être passé de mode j’imagine. Il me paraît pourtant primordial de structurer l’esprit de mes élèves, pour lesquels tout est brouillon et émietté.
Il faut les mettre davantage en « activité de création » : aujourd’hui, ils n’ont fait que de l’application (évidemment, dans une classe lambda, d’un niveau correct, j’arrive à caler dans l’heure les derniers exercices d’écriture…).
Il revient sur son observation du classeur d’élève. J’ai trop de traces écrites dans mes cours. Les élèves devraient être davantage en situation d’écriture autonome. Ils doivent écrire eux-mêmes leur cours, ce qu’ils ont retenu de l’heure (je sais très bien ce que, globalement, mes élèves retiennent d’une heure de cours : les bouts de gomme lancés entre camarades, les insultes hurlées au moindre truc, le fait qu’il fut fort rigolo qu’un élève extérieur rentre intempestivement dans ma classe en faisant semblant de s’être trompé de salle, et que ça ait fait marrer tout le monde pendant 10min, le fait qu’Untel ait volé le stylo 4 couleurs de Bidule, frôlant le déclenchement d’une troisième guerre mondiale…).
Je lui explique que mes élèves n’écoutent pas franchement toujours mon cours, et qu’ils ne savent pas rédiger une phrase simple cohérente, avec une majuscule et un point, sans faire trois fautes par mot, et qu’il me paraît donc important que chacun reparte avec un cours structuré et cohérent.
Il esquive ces remarques et s’obstine : ils doivent être libres de leur écriture. D’ailleurs, il y a beaucoup trop de questions dans mes cours ! Répondre à une question, c’est contraignant. Ils ne sont pas libres de s’exprimer sur le texte.
En effet, j’avoue avoir eu l’audace d’apprendre à mes élèves à répondre correctement à une question… et même, à expliquer et justifier leurs réponses, en ESSAYANT de faire des phrases. Je me suis battue toute l’année pour cela.
Concernant ma gestion de classe : il apparaît évident que j’ai de l’autorité et que je les tiens d’une main de fer. Ils n’ont aucun espace de liberté, je les contrains beaucoup trop.
Parce que bon… « Vous avez insisté pour qu’ils collent leur exercice, mais c’est pas grave ! Qu’ils collent leur feuille ou pas ! Ils font ce qu’ils veulent, c’est pas important ! Ils sont libres ! » – « Oui, mais s’ils ne le font pas, la feuille finit en miettes au fond du sac, je fais comment pour corriger le lendemain ? » – « Ooooohhh… mais c’est rien… vous en redonnez une ! »
Je me bats tous les jours pour qu’ils sortent tous une feuille, la plupart n’ont jamais leurs affaires, ne savent même pas où ils ont noté le cours. Alors quand ils retrouvent leur cours par miracle, je suis bien heureuse que l’exercice soit collé. Concernant les photocopies, mon bisounours ne semble pas imaginer que nous nous faisons enguirlander régulièrement quand nous avons l’audace de réclamer des feuilles pour la photocopieuse. Quelle idée…
Je ne suis donc pas assez souple, ils sont trop sages en fait, je crois que c’est ce qu’il me reproche… Je lui explique qu’il est impossible de relâcher la moindre attention avec eux : « Ooooohhh mais si ! Ils avaient l’air mignon ! » Je lui explique que non, qu’ils se sont tenus car je les tiens en effet d’une main de fer, et que cela m’a pompé toute mon énergie cette année, et puis la Principale et lui étaient au fond de la classe, cela les a inévitablement impressionnés. « Mais non ! Ils avaient l’air très bien. Il faut lâcher du lest ». Je dois continuer à lui expliquer que si l’on relâche la moindre chose, cela devient le zoo dans la foulée et qu’il est impossible de faire cours… « Oui, mais il faut savoir lâcher du lest… reprendre la main ! Lâcher du lest… reprendre la main ! … »
Je crois halluciner. Je l’invite à revenir voir cette même classe, le jour où je les ai deux heures d’affilée, avec tous les élèves présents.
Il insiste gentiment sur le fait que mon autorité n’instaure pas un climat de confiance dans la classe : « Je n’ai pas vu vos élèves sourire. Vous, vous avez souri deux fois, mais eux n’ont pas souri, le cadre est trop rigide ». Or, la langue et la lecture doivent être un plaisir. Ce dernier point sera le gros de l’entretien. Attention à ne pas trop cadrer, à être plus souple… et à laisser aux élèves leurs libertés.
Je dois oublier encore nombre des tares qui m’ont été reprochées avec grand sourire et « bienveillance » par ce gentil monsieur venu d’une autre galaxie.
Je suis fatiguée de l’énergie déployée cette année à avoir essayé de tirer quelque chose de ces gamins perdus, sans aucune discipline, sans cadre, sans aucun respect pour rien ni personne, fatiguée d’avoir lutté toute l’année pour instaurer rigueur et respect… mais heureuse d’avoir passé les quelques derniers mois à vivre le fruit de ce dur labeur : faire cours à peu près correctement, avec des élèves qui participent, comprennent des points de langue rigoureux, et obéissent à leur professeur.
Deux heures avec Monsieur Bisounours auront suffi à anéantir mon sentiment de victoire. Je ne suis qu’une marâtre malveillante, avec qui il n’est pas amusant de faire cours. Echec mission. »
Cécile B. et Jean-Paul Brighelli
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