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Laurent Nuñez, l'homme de l'antiterrorisme à l'Intérieur
Laurent Nuñez est nommé secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur. C'est la première fois qu'un patron de la DGSI entre au gouvernement.
Il était, il y a moins de deux semaines, aligné dans la cour du ministère de l'Intérieur aux côtés des autres directeurs de la police et de la préfectorale, attendant de serrer une dernière fois la main du ministre démissionnaire Gérard Collomb. Voici désormais Laurent Nuñez résident des lieux, en tant que secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur. Il aura probablement la charge de gérer les questions de sécurité auprès de Christophe Castaner, avec en premier lieu les questions de terrorisme et de renseignement.
Pour la première fois, un directeur d'un service actif de la police, et pas n'importe lequel, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), accède directement au rang de ministre. "C'est un signal positif et fort qui témoigne de l'importance prise par le renseignement depuis 2015. C'est une très bonne chose qu'un technicien de ce niveau arrive à Beauvau", commente un spécialiste de l'antiterrorisme. De Levallois, siège de la DGSI, à la place Beauvau, il n'y avait pourtant aucun vol direct...
Caution technique et de terrain
Il y a plusieurs mois, l'Elysée et Matignon avaient décidé de confier la coordination globale de la lutte antiterroriste à ce directeur du renseignement intérieur de 54 ans, "énorme travailleur", selon un commissaire de police. Il était temps de dépasser les grandes et petites méfiances qui grèvent parfois les efforts de l'Etat en la matière... Ce haut fonctionnaire (préfet, énarque de la promotion Cyrano de Bergerac) est désormais la caution technique, et de terrain, du successeur de Gérard Collomb.
Contrairement à certains de ses prédécesseurs à la DGSI, il n'a pas d'étiquette politique accrochée dans le dos. Laurent Nuñez a aussi pris à coeur d'ouvrir le renseignement intérieur, souhaitant démontrer que la DGSI n'avait rien de la boîte noire, opaque et inaccessible du fait du secret-défense, que beaucoup imaginent. Il échangeait ainsi facilement avec les journalistes spécialisés, une fois que la confiance avait su s'installer. Pour l'aider dans cette tâche chronophage, celui qui jonglait en permanence avec plusieurs téléphones portables avait d'ailleurs récemment recruté une jeune commissaire comme cheffe de cabinet.
Bons résultats à Marseille
"Il est considéré comme quelqu'un qui joue collectif, qui favorise le partage de l'information entre les services de renseignement du premier cercle", ajoute un expert en la matière. Nuñez lui-même ne cachait pas qu'il entretenait de très bonnes relations avec les principaux directeurs du renseignement français, dont celui de la DGSE, nommé en même temps que lui après l'élection d'Emmanuel Macron à l'Elysée.
Directeur de cabinet du préfet de police de Paris entre 2012 et 2015, il fut la tour de guet de cette citadelle qui, avec l'affaire Benalla, devrait probablement subir un lifting approfondi. A ce poste des plus sensibles, il avait connaissance de tous les dossiers chauds et gérait des informations délicates, de celles que le pouvoir apprécie de connaître au plus vite.
Préfet de police des Bouches-du-Rhône entre 2015 et 2017, il a obtenu de bons résultats, notamment sur le plan de la lutte contre le trafic de stupéfiants et les règlements de compte mortels liés - les deux plaies principales de Marseille - en renforçant la coopération entre police judiciaire et sécurité publique. Une soixantaine de réseaux locaux ont été démantelés. Déjà porté sur la communication, l'homme a également laissé un bon souvenir aux journalistes locaux qui le jugent "communicatif, direct, efficace".
"Je voulais être commissaire"
Professionnel jusqu'au bout des ongles, plaçant la loyauté au rang de vertu cardinale, l'homme avait pris la tête de la DGSI en juin 2017, dans le contexte de l'état d'urgence. Il n'aura passé au final qu'un an et demi dans ce service atypique et rude à maîtriser tant il est, encore aujourd'hui et comme chez ses "cousins" de la DGSE - l'espionnage extérieur - traversé de réseaux. Dans cette direction composée de la fusion en 2008 des RG et de la DST, le contre-espionnage, les anciens de ce dernier service ont ainsi longtemps "tenu" la maison, au détriment des fonctionnaires des Renseignements généraux.
Une vingtaine d'attentats auront été déjoués durant son "mandat" à la tête des 4000 policiers de la DGSI. Sous son impulsion, le renseignement et la sécurité intérieure ont recruté de nouveaux profils : des geeks, des spécialistes des langues, des femmes... Il a également compris que le contrat signé par son prédécesseur avec une société américaine, Palantir, capable d'analyser des sommes de données phénoménales et soupçonnées d'être - trop - liée aux services secrets américains, pouvait faire peser un risque sur la sécurité nationale. Nuñez militait pour que soit trouvée une solution industrielle française susceptible de remplir la même mission.
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Apparemment c'était trop compliqué de le nommer directement ministre de l'intérieur.