Citation ("La Provence")
La rumeur parcourait Marseille depuis le soir même du match. Même s'ils avaient en leur possession les noms de ceux qui avaient mis "le feu" au virage sud du stade Vélodrome, le 16 avril dernier lors du match retour OM-Donetsk pour la coupe UEFA, en déclenchant une mémorable bagarre générale, les enquêteurs du groupe de violence urbaine (GVU) de la sûreté départementale, prudents, avaient préféré attendre l'expertise des bandes de vidéosurveillance.
Hier, estimant avoir récolté suffisamment de preuves, ils convoquaient six supporters, dont trois "figures" du stade Vélodrome. Rachid Zeroual, leader des Winners, Christophe Bourguignon, patron des Ultras, et David Poggi, à la tête de la Cosa Ultra, étaient placés en garde à vue et confrontés une grande partie de la journée pour tenter de savoir ce qui avait mis le feu aux poudres ce soir-là entre supporters du même club.
D'après les premières déclarations, et divers témoignages recueillis, le patron des Winners semble avoir un sérieux contentieux avec celui de la Cosa Ultra. Avant le début du match, les esprits étaient déjà bien échauffés en haut du virage. Christophe Bourguignon, leader des Ultras, aurait été averti par les Winners que les comptes allaient se régler pendant la rencontre. Il lui aurait également été vivement conseillé de "laisser faire"... D'où une probable poursuite pour "complicité" et "non-dénonciation de délit".
Alors que la première mi-temps était bien entamée, juste avant le premier but, pas moins de 150 individus envahissaient le bas du virage et tentaient d'arracher la bâche de la Cosa. Humiliation suprême pour un club de supporters! Face au déchaînement de violence, David Poggi s'était même réfugié un temps sur la pelouse avant d'en être expulsé par les stadiers.
"Il était personnellement visé, précise une source proche de l'enquête. Le conflit entre lui et Zeroual ne date pas d'hier." Lors de "l'assaut", qui a duré treize longues minutes, "du jamais vu à Marseille" selon un "habitué" du Vélodrome, deux personnes ont été grièvement blessées au niveau de la face, les os des pommettes fracturés en divers endroits. Une ITT de 21 jours leur a été délivrée.
Hier soir, Rachid Zeroual ainsi que deux proches, Christophe Bourguignon et David Poggi étaient toujours en garde à vue dans les locaux du GVU. Jacques Dallest, procureur de la République de Marseille, confiait hier qu'ils pourraient bien être déférés au parquet ce matin et présentés en comparution immédiate cet après-midi devant le tribunal correctionnel. Poursuivis pour "violences volontaires en réunion dans une enceinte sportive", les trois leaders, outre une belle amende et une peine de prison, risquent fort de se voir exclus de stade à vie !
"Ils ont déjà été interdits temporairement de stade, souligne une source proche du dossier. En cas de récidive, l'interdiction peut être définitive." C'est aux magistrats qu'il reviendra aujourd'hui, si l'affaire est examinée au fond, de se prononcer sur cette possible peine complémentaire. Reste à éclairer les circonstances de la rixe, et notamment sa longueur volontiers qualifiée "d'anormale" par les enquêteurs.
"Qu'une bagarre allait éclater était un secret de Polichinelle", avoue un supporter présent ce soir-là. Mais ni les stadiers, ni la sécurité du club, privée de son directeur transporté aux urgences de Sainte-Marguerite en milieu d'après-midi, n'avaient, semble-t-il, jugé utile de prendre les précautions nécessaires.