Pour les sceptiques comme Tancredi Palmeri, voci un article intéressant sur les activités de la mafia en France et notamment à Marseille et ses liens avec certains stars
Stars et truands" : Ce qu’est la mafia française
0 COMMENTAIRE Publié le 30/06/2013 à 06h00 , modifié le 30/06/2013 à 08h09 par Christophe berliocchi
Thierry Colombié, spécialiste de la grande criminalité, décrypte le milieu et ses liens étroits avec le show-business dans son dernier livre « Stars et truands »
« Sud Ouest Dimanche ». Quel était votre objectif de départ ?
Thierry Colombié. Je voulais interroger la société française sur sa vision de la criminalité organisée depuis la Seconde Guerre mondiale, date clé de l’expansion du milieu. Quand on perçoit la puissance de cette économie souterraine, on se pause des questions sur le mythe du self-made-man ou sur la façon dont le cinéma participe à écrire une légende erronée de l’histoire du milieu. À côté des truands, deux noms de stars sont revenus en boucle : Alain Delon et Johnny Hallyday. Et aussi celui de Bernard Tapie.
À propos d’Alain Delon, qui n’a jamais caché ses liens d’amitié avec Gaëtan Zampa, vous dévoilez qu’il a échappé de justesse à un règlement de comptes…
En mai 1986, l’acteur était dans la ligne de mire d’un ami d’Alexandre Djouhri, lequel s’était retrouvé à l’hôpital après avoir pris des balles dans le buffet, un homme qui n’a pas pris le risque de tuer Delon devant des témoins. Par la suite, Djouhri est devenu un affairiste, il a préféré s’installer en Suisse et effacer de sa vie ses années passées dans le milieu parisien. Ce n’est pas un hasard, car c’est une question de réputation. Comme Takieddine, il est l’un de ces précieux intermédiaires, dont il faut rappeler que l’activité est tout à fait légale, qui permettent à des sociétés françaises de décrocher des gros contrats à l’étranger.
Ces sociétés sont-elles en lien avec la grande criminalité ?
En France, on considère que le grand banditisme n’a rien à voir avec ce monde opaque et discret qui travaille pour le « drapeau » français. C’est une grave erreur car le système des rétrocommissions fonctionne sur la confidentialité et la sécurité des transactions, donc sur la présence de puissants garants. Tenter de comprendre quelles sont les véritables fonctions desdits intermédiaires permettrait de mieux analyser le fonctionnement non pas d’une « mafia », au sens italien du terme, mais d’un système politico-mafieux typiquement français fait d’échanges de services permanents.
Vous évoquez l’affaire du Cercle Wagram, impliquant des acteurs de « Mafiosa » et un drôle de personnage, dit le Mage, l’ami des people et du Tout-Paris…
Ce Mage posséderait un pouvoir de guérisseur, doublé d’un talent divinatoire qui en a bluffé plus d’un - en premier lieu Jean-Claude Darmon, le pape du foot business, ou Rachida Dati. Depuis le Var, le Mage est monté à Paris avant d’intégrer le Cercle Wagram. Pendant des années, il a fait venir des wagons de stars autour des tables de poker. Jusqu’au jour où les policiers l’ont interpellé, le soupçonnant d’avoir été mandaté par une équipe de gangsters corses pour tenir le cercle.
Quel a été le rôle de la French Connection dans le milieu ?
La France peut se targuer d’avoir l’un des plus remarquables systèmes de criminalité organisée, qui s’est développé lors de la fastueuse période de la French Connection (trafic d’héroïne « marseillaise », 1935-1985). Si les voyous les plus puissants s’en honorent, les politiques, malgré leurs effets de manches, regardent leurs chaussures, car nous sommes en présence d’un véritable système politico-mafieux. Les affaires actuelles le démontrent malheureusement.
Un autre cercle a défrayé l’actualité récente, le Concorde, dont le procès se termine. La justice a-t-elle les moyens de lutter contre le grand milieu ?
Difficilement, car ses adversaires mettent en place d’incroyables stratégies pour y échapper. Mieux, Roland Cassone, présumé parrain du milieu, s’est offert le luxe, en plein tribunal, de défier une bande criminelle, qui est en réalité une firme trafiquante. Une firme car elle obéit aux mêmes mécanismes industriels qu’une entreprise, trafiquante car elle puise ses ressources dans des secteurs criminels (jeu, vols à main armée, extorsion et trafics en tout genre), criminalisés (contrebande, corruption) et légaux (jeu, tourisme, sécurité, énergie verte). Il faut donc s’attendre que la guerre monte d’un cran sauf si la menace de Cassone s’avère suffisante pour faire taire les armes, ce qui ne serait pas de la science-fiction vu la puissance « militaire » du personnage.
Que fait le gouvernement pour lutter contre la « mafia » ?
Il a créé une cellule spéciale destinée à taper sur le portefeuille des voyous. L’avenir dira si cette brigade parviendra à atteindre ses objectifs.
Il y a fort à parier que ses adversaires - qui ne portent pas tous le costume du « parrain » - sont déjà à la manœuvre pour mettre des bâtons dans les roues des enquêteurs et des magistrats, si ce n’est les amener vers de fausses pistes, un classique du milieu.
L’une des réponses claires à la lutte contre la criminalité organisée serait, une bonne fois pour toutes, d’instituer l’indépendance du parquet comme c’est le cas en Italie, par exemple.
Et de créer enfin un vrai pôle de recherche pour faire un grand pas sur le chemin de la connaissance.
Quelle est la place de Marseille ?
Comme me l’a dit un vieux truand : « Marseille, c’est comme Milan, c’est la capitale de la Mafia, la vraie, celle qui ne dit jamais son nom. » Bien plus que Bastia, Ajaccio, Lyon ou Toulon, Marseille est à la fois le berceau de la French et le siège social des plus puissantes firmes trafiquantes du pays, lesquelles tissent une toile d’araignée par-delà les frontières et les océans. On ne mesure pas à quel point des « généraux » français sont aussi respectés qu’un parrain de la Cosa Nostra. Ce qui fait la grande différence avec, par exemple, les mafias italiennes, c’est que notre système politico-mafieux s’explique par l’histoire de notre pays, principalement l’existence de ses colonies et comptoirs commerciaux. Il n’y a rien d’étonnant de voir des Français à la tête de sociétés de jeu en Afrique, en Amérique ou en Asie, car ces gens-là s’appuient sur un réseau commercial et politique ancien et solide, liant les mondes légaux et illégaux. Idem dans les transports, le pétrole - où la contrebande n’est jamais citée -, les déchets, le sable, le béton ou les pierres précieuses.
Est-ce un mythe ou une réalité ?
Depuis plus d’un siècle, Marseille est le théâtre permanent d’une collusion flagrante entre truands et politiques autour de secteurs très lucratifs qui dépendent souvent de la manne publique. Quant au trafic de stupéfiants, à Milan ou à Londres, on cite comme modèle les quartiers sud marseillais et pas ceux du nord, où les règlements de comptes font un tel un « bruit » médiatique qu’il nuit à la bonne marche des affaires. Au sud, c’est du lourd : des entreprises verticales, des dealers salariés… Ces firmes trafiquantes gèrent leur business depuis trois ou quatre décennies sans faire de bruit.