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"PSG enculé", une insulte homophobe ?
Pour l'OM et ses supporters, les propos tenus dans les stades font partie de la ferveur populaire propre au football. Les associations de lutte contre l'homophobie profitent d'une opération nationale organisée ce samedi par la Ligue pour tirer la sonnette d'alarme.
"Paris, Paris, on t’encule" pour démoraliser son meilleur ennemi, "Oh hisse enculé" pour accompagner un dégagement du gardien adverse... Le sujet fait sourire à Marseille, où "enculé, c’est comme une virgule dans la discussion", comme le souligne Laurent, un supporter olympien. Le problème, c'est que rares sont ceux qui voient dans l'utilisation de ce terme une connotation homophobe. Pourtant, pourrait-on imaginer un seul instant que "bougnoule" ou "nègre" ne soient pas qualifiés d'insultes racistes ?
D'ailleurs, "devant les tribunaux, c’est une virgule considérée comme injure publique liée à l’orientation sexuelle d'une personne", rappelle Michel Navion, secrétaire général de SOS Homophobie - qui vient de sortir son rapport annuel sur les discriminations à l’encontre des gays et lesbiennes. Pour lui, il y a un lien évident entre la facilité avec laquelle on insulte à coup de "pédé" ou "enculé" et les brimades subies par les gays, recensées dans le rapport annuel de l'association.
Et puis, ce langage a beau être devenu courant à Marseille, il a tout de même réussi à froisser le président de l'OM qui a porté plainte pour "injures publiques" après l'affaire de la banderole affichée par les supporters lyonnais lors du match Lyon-OM en décembre dernier ("Pape Diouf, tes initiales te vont si bien !").
Un dossier dont le club ne compte toutefois pas faire une affaire d'Etat, d'autant que la Ligue paraît oublié le dossier : "Je trouvais presque déplacé de porter plainte, reconnait Nathalie Paoli, directrice de la communication du club olympien. A Marseille, on n'est pas suffisamment exemplaire pour s'insurger de tels propos".
Ce samedi, à l'occasion de la journée contre l’homophobie, le PSG posera avec Auxerre devant une banderole "Carton rouge contre l’homophobie" et un clip vidéo sur ce sujet sera diffusé. Tout comme la LFP, le club parisien a signé la charte contre l’homophobie dans le football, sous l'impulsion du Paris Foot Gay (PFG), qui se veut le premier club de football à réunir officiellement des joueurs homos et hétéros. La saison prochaine, l'AJ Auxerre, l'AS Monaco, l'OGC Nice et l'AS Saint-Etienne devraient en faire de même.
Et l'OM dans tout ça ? "Nous ne signerons pas ce document, déclare Nathalie Paoli. Pourquoi ratifierions-nous à une charte contre l'homophobie et pas une charte contre le racisme envers les juifs, les noirs ou les handicapés ? Chez nous, nous ne faisons pas de distinction entre les différentes formes de discriminations. On ne fait pas d'action isolée."
Choisir de ne pas "entrer dans le communautarisme" n'empêche pas le club de penser que des "campagnes de sensibilisation" demeurent nécessaires pour chasser les discriminations des stades. Mais là encore, Nathalie Paoli reste convaincue "qu'imposer une charte ne changera rien" : "Allez demander à un supporter marseillais de 50 ans de ne plus crier "Oh hisse enculé", il le criera encore plus fort. Les efforts doivent davantage se concentrer autour des enfants".
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Le témoignage de Paul, 26 ans, supporter gay de l'OM : "Je conseille à tous les homos d'aller voir un match au Vélodrome"
- Est-il difficile pour un supporter de l'OM d'afficher ouvertement son homosexualité en tribunes ?
Paul : Pas du tout. Le stade Vélodrome, c'est le seul endroit où tout le monde vibre à l'unisson, quelle que soit sa race, sa religion ou ses préférences sexuelles. Pendant 90 minutes, on oublie ses problèmes. On va par exemple voir le militant frontiste tenir par l'épaule le militant communiste. De la même façon que l'on a jamais entendu de cri de singe au Vel', l'OM n'est pas concerné par le problème de l'homophobie.
- Pendant le match, vous aussi, vous chantez le fameux "Oh hisse..." ?
Paul : Bien sûr ! Le terme "pédé" dans un stade, c'est bon enfant, ça fait partie de la tradition. Surtout à Marseille où on remplace les virgules par des "putain con". Au Vélodrome, quand on chambre le gardien adverse, on chante bien "Ta femme est devant nous...". Les hétéros ne se sentent pas insultés pour autant ! Le foot, c'est populaire, il est normal que les propos tenus dans les stades soient populaires.
- L'OM a-t-il raison de ne pas vouloir signer la charte contre l'homophobie comme le demande le Paris Foot Gay ?
Paul : Oui. Je n'en vois pas l'intérêt. On ne doit pas distinguer l'homosexualité des autres formes de discriminations, ce serait renfermer une communauté sur elle-même. Pourquoi signer une charte quand on se sent en sécurité dans un stade ? A quoi bon ramener le problème des autres chez nous ? Ce qu'on a besoin de faire à Paris, on n'a pas besoin de le faire à Marseille. D'ailleurs, je conseille à tous les homos d'aller voir un match au stade Vélodrome.
Karine Portrait et Anthony Jammot