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Pour les supporteurs du Paris-SG, la deuxième vague Mbappé
Par Damien Dole — 14 août 2017 à 19:16
Le joueur de Monaco Kylian Mbappé, le 28 juillet à Tanger, à la veille du Trophée des champions qui a opposé la principauté et le Paris-SG (1-2). Photo Franck Fife. AFP
Le retentissant transfert de Neymar passé, un nouveau feuilleton s'ouvre dans le mercato parisien. Et l'annonce d'une possible arrivée du prodige attaquant de Monaco prend place dans les esprits parisiens.
Pour les supporteurs du Paris-SG, la deuxième vague Mbappé
L’effet d’un tsunami quand il frappe la terre ferme est connu. Une vague puissante, plus ou moins grande, atteint le littoral puis s’enfonce dans les villes, forêts, plaines. C’est un peu l’effet qu’a produit l’arrivée de Neymar dans les consciences des fans de Paris, la quantité d’articles de presse ou le dégoût engendré par ce trop-plein chez les fans adverses. Mais dans un tsunami, il y a la deuxième vague, celle qui revient de la terre vers la mer. Et qui est parfois encore plus dévastatrice. C’est un peu ce qu’illustre l’arrivée possible chez les Rouge et Bleu du prodige français Kylian Mbappé. Récit immersif.
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Le 8 juin, Unai Emery allume l’étincelle
L’idée de ce transfert a émergé lors une table ronde à la cool organisée en marge d’un grand raout sur le foot à Bilbao, le 8 juin. Unai Emery, le coach du Paris-SG qui fait partie des convives, y lâche : «Quand on parle de Mbappé ici, en Espagne, on parle du Real Madrid, du FC Barcelone… Moi je suis à Paris, au PSG. Et je dis : quoi de plus beau que de pouvoir représenter une équipe française ? Si c’est vrai qu’il va devenir l’une des icônes du foot dans le monde, qu’il soit [à Paris], avec tout le respect que j’ai pour Monaco. Mais il vient de Paris, il a sa famille à Paris. C’est une réflexion que je fais. […] Quoi de mieux pour la France, pour le PSG qu’il y ait une union, une communion entre le joueur [et sa ville] ?»
Il s’agit de voir Unai Emery pour ce qu’il est. C’est un coach de 45 ans qui a tout compris aux réseaux sociaux, qui permet aux fans, via son site, de donner l’équipe qui devrait jouer le match suivant, qui s’exprime sur Twitter plus que la moyenne des autres entraîneurs dans le monde, de son calibre ou non. Or il y a plusieurs caméras devant lui, du monde dans l’assistance, et pas des moins désintéressées. Matthieu Martinelli, journaliste pour Culture PSG, avait exhumé et sous-titré cette vidéo. Pour lui, «Emery se faisait juste plaisir». Alors deux mois après, c’est très facile pour nous de dire qu’en fait, peut-être, c’était plus que ça. Que cette «réflexion» d’Emery allait au-delà d’une simple parole balancée à la cantonade. On sait depuis que le président Nasser al-Khelaïfi fait péter des clauses destinées à ne pas être pétées, que la technique initiale de ne pas se faire d’ennemis a vécu, que le fair-play financier, on peut l’oublier un café à la main.
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La mélodie Mbappé face à la symphonie Neymar
Cette musique résonne dans nos têtes depuis ce moment-là. Une musique de bien plus basse intensité que la symphonie Neymar. D’un côté, le Brésilien de 25 ans : trois titres de champion avec Santos et deux avec le Barca, une Copa Libertadores et une Ligue des Champions, une Coupe du Brésil et trois Coupes du roi, deux Coupes du monde des clubs et une médaille aux Jeux olympiques de Rio en 2016, avec le brassard de capitaine, histoire de laver, si c’est possible, l’affront causé par le 7-1 des Allemands. De l’autre, Mbappé, 18 ans : un titre de champion de France, quelques récompenses en jeunes, et basta.
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Pour la renommée internationale, il n’y a pas photo. Maintenant, il y a plus que ça. Le Francilien a réalisé à 18 ans ce que seuls des Messi ou Ronaldo 1er ont réalisé au même âge. On savait depuis quelques années que Mbappé avait quelque chose en plus que tous les joueurs de sa génération, avec tout le respect qu’on doit à Ousmane Dembélé, autre grande promesse du foot tricolore. L’attaquant longiligne a symbolisé le jeu de l’AS Monaco, parmi les plus beaux développés en Europe l’an dernier, et est qualifié, comme Emery l’a dit, d’un des plus grands espoirs du football mondial.
Toute-puissance ou overdose de fric
Après les 220 millions d’euros et quelques pour le transfert de Neymar, ses 30 millions par an en salaire, la prime à la signature dont on ne connaît pas vraiment le montant, les six intermédiaires qui ont touché une commission selon le journal portugais Correio da Manha, voici donc une transaction annoncée autour des 180 millions d’euros, bonus inclus, pour Kylian Mbappé. Dès lors, les réactions des fans parisiens se sont divisées en deux orientations bien distinctes.
Le gros des troupes y a surtout vu une revanche. Une revanche face aux riches par tradition, les Real Madrid, FC Barcelone, Manchester United, Bayern Munich… Une revanche aussi face aux années de vaches maigres, lorsque les fins de mercatos rimaient avec Everton et Souza, – même s’il ne faut pas oublier les transferts d’Anelka (record en France à l’époque), d’Okocha (record aussi) – ou même à la genèse du club parisien, créé dans les années 70 dans une ambiance plus projecteurs dorés que bouts de chandelle.
La période Canal+, enfin, reste dans pas mal de têtes. Quand, dans sa biographie sortie en 2009, Michel Denisot, président du Paris-SG de 1991 à 1998, avoue avoir refusé d’acheter le Brésilien Ronaldo alors au sommet de son art malgré les fonds disponibles, sous prétexte de ne pas vouloir «écraser les autres clubs, par respect de l’abonné de la chaîne qui vivait à Montpellier, à Marseille», notre sang n’a fait qu’un tour. Car au moment de ces révélations, les fans parisiens ont une équipe bien loin du strass des Champs-Elysées et des paillettes de la tour Eiffel – qui ne s’est jamais allumée en bleu et rouge pour l’arrivée de Guillaume Hoarau. Toutes ces raisons font que la plupart des fans du Paris-SG, faisant fi parfois de leurs convictions politiques, ont une envie de lâcher les ballons, de dire «on est tout-puissants, on est riches, on veut tout gagner by any means necessary.»
Mais d’autres en ont un peu ras-le-bol. Tout cet argent dans le foot, alors qu’avant tout cela reste un ballon, des shorts, une pelouse avec ou sans boue et des cages ? Neymar, d’accord, on voit la logique financière derrière : c’est le joueur le plus bankable au monde et il rapportera sûrement autant, en merchandising (qu’il faut relativiser), sponsors et tournées sur les autres continents, que le prix de son transfert. Mais Kylian Mbappé ? Avec tout le respect qu’on lui doit et le talent assez époustouflant qu’on décèle chez lui, 180 millions d’euros, vraiment ? Quelle sera la limite à tout ça ? Si la limite devait être repoussée encore plus loin, on n’a pas envie que ce soit par nous.
Et il y a aussi un côté «on n’est pas tous arrivés au Paris-SG par Safet Susic ou la Coupe des coupes 1996». Certains sont arrivés à la passion rouge et bleue par un duo d’attaquants Mickaël Madar-Bruno Rodriguez. Pour d’autres, la flamme est née lors de diverses humiliations qu’a subies le club, à la fois en Europe et surtout en France, loin des terres franciliennes comme à Paris. Tout ça, ces deux transferts vont l’achever. 220 millions, c’est le record. 180 millions, le deuxième plus gros transfert de l’histoire. Le troisième, Paul Pogba à Manchester United l’an dernier, relégué à 60 millions derrière. Pour certains, c’est la goutte d’eau.
Cela dit, si le transfert se réalise, nul doute qu’une fois sur le terrain, aux premières combinaisons entre les deux joueurs, ces bisbilles seront vite oubliées. Et un soir de PSG-OM, encore plus.
Mbappé ou Fabinho et Oblak
Qui dit club riche, dit problèmes de riches. Signer Kylian Mbappé alors que Paris est déjà pourvu d’armes offensives se nommant Edinson Cavani, Angel Di María, Julian Draxler, Javier Pastore, Lucas et maintenant Neymar ? Emery était par ailleurs adepte d’un système à 3 attaquants. Il se dit qu’il pourrait passer à 4 offensifs, que Pastore pourrait redescendre d’un cran. Mais Mbappé ajouté à cette armada, cela ferait tout de même 7 joueurs pour 4 postes. Et hormis Lucas voire Pastore, on ne voit pas qui accepterait de tâter du banc régulièrement. Du coup, il faudrait lâcher Di María voire Draxler, ou l’Argentin adulé. Un dilemme.
Autre problème d’ordre tactico-tactique, l’équilibre de l’équipe. Les débats font rage. Avec la somme de Kylian Mbappé, on peut recruter à la place le gardien de l’Atlético Madrid Jan Oblak pour remplacer les irréguliers Alphonse Areola et Kevin Trapp ainsi que Fabinho, l’excellent milieu axial brésilien qui ne rêve que d’une chose, quitter l’AS Monaco pour le Paris-SG de Neymar et Thiago Silva afin de s’imposer en Seleção. Et Fabinho joue à un poste qui manque d’un fuoriclasse de la trempe d’un Marco Verratti, puisque le moteur de Thiago Motta commence à chauffer et qu’Adrien Rabiot rechigne à jouer en sentinelle, devant la défense.
Mais parfois, la déraison l’emporte. On se dit déjà que l’entraîneur des gardiens Nicolas Dehon est parti, que la malédiction qui s’est abattue sur nos gardiens va se dissiper, que Trapp ou Areola, l’un fera bien l’affaire. On se dit aussi que la direction est tellement dans la peau d’un joueur de poker sous coke, qu’elle en a encore un peu dans sa bourse pour Fabinho. Et puis, au pire, on demandera à nos amis qui se chauffent au gaz qatari de monter la température des radiateurs cet hiver, histoire de faire la nique au fair-play financier.
Paris United fait de nouveau parler la poudre
On a déjà longuement cité le compte Twitter Paris United. D’eux, on sait juste qu’ils sont deux ou trois personnes, qu’ils balancent info sur info, que toutes ou presque sont vérifiées les heures ou jours suivants. On leur a quand même demandé qui ils étaient, ils ont évidemment répondu qu’ils n’avaient rien à dire à ce sujet. Du coup, les rumeurs sur leur identité vont toujours bon train : le directeur délégué du Paris-SG, Jean-Claude Blanc, afin de court-circuiter la presse traditionnelle ? Thomas Meunier lui-même, comme le suppose MoMoZeRo, un forumeur de Culture PSG ? Le beau-frère de Nasser al-Khelaïfi comme nous le suggérions ? Quoi qu’il en soit, il suffit d’interroger n’importe quel fan du Paris-SG disposant d’un compte Twitter : à la question de la meilleure source de première main sur le club de la capitale, quasi tous répondront «Paris United», et pas la presse traditionnelle. Changement de paradigme en période de mercato ou simple courant éphémère dû à une source d’info qui n’est pas encore tarie ?
Voici le déroulé de leurs infos. Le 8 juillet, ils parlent d’une réunion entre le PSG et le «clan Mbappé» mais aussi d’une discussion au téléphone entre le joueur et Emery. Le 13 juillet aurait eu lieu une réunion avec notamment les présidents du Paris-SG et de Monaco et l’agent surpuissant Mendes, à 22h15 au Bagatelle, à Monaco, un endroit cosy à deux pas de la mer, où le «poulet fermier à la truffe est un peu sec et pas vraiment truffé», mais où «l’ambiance musicale est au top avec de "beautiful people" venus pour s’éclater», selon des critiques anonymes sur Trip Advisor.
Dans la foulée, le feuilleton Neymar s’ouvre. Du coup, il faut attendre la fin du mois pour apprendre que «Paris ne lâche pas Mbappé», puis, le 6 août, que Mbappé a dix jours pour régler ses affaires avec Monaco. Quatre jours plus tard, Paris United fait parler la poudre : «Sauf retournement de situation, nous sommes en mesure de vous confirmer que @KMbappe devrait être parisien avant le 31 août.»
Ils avaient émis un tweet sous la même forme le 21 juillet, alors que la plupart des médias, hormis le journaliste brésilien Marcelo Bechler, disaient qu’il restait encore beaucoup à faire. On a depuis appris que la décision de Neymar avait été prise après le 6-1 où Messi fut porté aux nues, puis qu’il avait annoncé son départ à tous ses camarades le 30 juin lors du mariage de l’Argentin. Et ce en dépit d’une campagne de communication qui faisait croire à une indécision interminable, jusqu’à début août.
Nike et le retour aux sources
Dans son annonce du 6 août, Paris United fait rentrer un autre acteur dans la danse : Nike. On apprend alors que le joueur aurait une clause grands clubs, desquels fait partie le Paris-SG, mais aussi que la marque à la virgule voudrait associer Cavani, Verratti et Neymar à Mbappé en vue de la Coupe du monde 2018. Ça tombe bien, l’équipementier des Rouge et Bleu, c’est Nike. Et entre l’actuel contrat de 25 millions d’euros par an du Paris-SG et celui du Barca, à 150 millions, il y a monde dans lequel aimeraient naviguer les Rouge et Bleu. Pour le fair-play financier, ça peut être une idée.
Surtout, on apprend à lire entre les lignes. Les fans parisiens sont devenus des experts. Chaque signe est une info potentielle qu’il s’agit d’analyser, de recouper, de regrouper. L’an dernier, pour le transfert de Paul Pogba à Manchester United, en provenance de la Juventus Turin, Adidas avait créé un nom de code : «Pogback», signifiant, on l’a vite compris, le retour de Pogba à Manchester, le club qui l’avait formé. Le 11 août, Kylian Mbappé poste une vidéo de trente secondes signée Nike et nommée «Rebirth», la renaissance. On y voit un city stade à Bondy, au pied des barres d’immeubles ; on comprend qu’il y a traîné ses guêtres. La ville de naissance de Mbappé est située à 12 kilomètres de la capitale. Puisque le Red Star est descendu en National 1, on ne voit pas où cette «renaissance» pourrait avoir lieu ailleurs qu’à Paris.
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